Le Temps

A Genève, pleins feux sur la maternité

- MARIE-PIERRE GENECAND le 23 février, Espace Vélodrome, Plan-les-Ouates, Genève.

A la fois mères et comédienne­s, elles racontent en scène les joies de l’éducation. C’est pimenté et remuant. Et à voir à Genève et environs, ces jeudi et vendredi

On le fait toutes. Autour d’une table, au téléphone, à deux ou à plusieurs. Toutes les mères débriefent régulièrem­ent au sujet des «joies» de la maternité. Question de soupape et de solidarité. Mais, ces jours à Genève, des mères qui sont aussi – ou avant tout – des comédienne­s choisissen­t la scène pour penser cette fonction tellement encensée par la société. C’est drôle et c’est piquant. Rien que les titres sont déjà tout un programme. Pose ton revolver et viens te brosser les dents, lancent Fanny Brunet et Juliette Ryser au Théâtre Pitoëff. C’est (un peu) compliqué d’être l’origine du monde, confirment Tiphaine Gentilleau et Chloé Olivères, à la Salle du Vélodrome, à Plan-les-Ouates. A voir ce vendredi, dernier délai.

«Le privé est politique!» Poings levés et seins arrachés (c’était des faux, on se rassure), le duo français situe le débat. La maternité ne concerne pas que la douceur (relative) du foyer, c’est une affaire publique qui raconte beaucoup de «notre monde encore très phallocent­ré», observent Tiphaine et Chloé. Parce qu’elles sont tombées enceintes en même temps – elles insistent sur la notion de chute –, les deux comédienne­s ont eu envie d’analyser ensemble ce moment où «être un homme comme les autres ne leur était désormais plus permis». Entre les interdits qui déferlent dès que la grossesse est annoncée et les séances d’expression corporelle pour «chanter à son enfant la joie de bientôt le rencontrer», entre les fontaines de larmes en écho aux pleurs du nouveau-né et le rythme désormais «speed speed speed» des journées, les jeunes femmes montrent avec force et fougue les figures imposées autour du bébé.

Toutes coupables

Même esprit frappeur au Théâtre Pitoëff, mais avec un peu plus de recul puisque les enfants de Fanny et Juliette ont respective­ment cinq et dix ans. Plus de biberons et de nuits agitées, mais la valse des écrans et des questions piège, genre «on va où quand on est mort?». Ce qui préoccupe beaucoup les auteures? La culpabilit­é. 95% des mères seraient concernées par ce sentiment «de faire tout faux». Fanny détaille: «Je me sens coupable d’avoir fait une césarienne, d’aller travailler ou de ne pas aller travailler, d’acheter un costume de Naruto.» Et, point culminant, «je me sens coupable de ne pas être une maman Walt Disney.» Car cette maman a de grands cils de biche et ne s’énerve jamais. Au contraire de Fanny, devenue, dit-elle, «une de ces mères excédées qui range en criant qu’il faut ranger»!

L’écran n’est pas une fatalité

Dans le public, quatre hommes pour une trentaine de femmes. Comment mieux dire que la charge est encore peu partagée? Juliette Ryser, qui a fait philo en parallèle de ses études de comédienne, apporte avec humour un côté docte à la soirée. Elle aime les rebelles, ceux et celles qui ne s’avouent pas vaincus par les forces du marché ou de l’autorité. Elle cite ces mères russes qui sont allées rechercher leurs fistons recrutés par Poutine pour mater la Tchétchéni­e. Elle cite aussi cette étude qui dit que l’écran est un désastre entre zéro et trois ans, car c’est là que les enfants développen­t un maximum de connexions neuronales. Et elle cite encore le cas des Mosos, dernier peuple matriarcal situé au sud-ouest de la Chine où les femmes décident de tout. On rit beaucoup, car les sujets sont abordés avec souplesse et dérision. Jusqu’à la mythique danse du lapin…

On rit, oui, sauf, au moment où le duo évoque un infanticid­e massif. Quatre enfants égorgés par leur maman, un jour de février. Ce fait divers rappelle que beaucoup de femmes sont très seules et désemparée­s face à l’aventure de la maternité. Le spectacle de Juliette et Fanny leur est aussi dédié.

▅ les 22 et 23 février, Théâtre Pitoëff, Genève. 022 808 04 50.

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