Berne refuse de ratifier le Traité d’interdiction des armes nucléaires
Le Conseil fédéral a répondu par la négative à la motion du conseiller national genevois Carlo Sommaruga l’exhortant à ratifier au plus vite le traité adopté par 122 membres de l’ONU à New York en juillet 2017
Ratifier le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires adopté par 122 membres des Nations unies à New York en juillet dernier? Interpellé par le conseiller national genevois Carlo Sommaruga à travers une motion, le Conseil fédéral a tranché. Il dit bien «partager l’objectif d’un monde sans armes nucléaires», mais estime que le moment n’est pas opportun de ratifier la convention avant d’avoir procédé à une «évaluation approfondie de la situation».
Le refus du gouvernement de ratifier rapidement ce traité jugé «historique» n’est pas surprenant. La Suisse avait voté à New York en faveur du texte, estimant qu’il était important de combler une lacune juridique dans le droit international qui n’interdit pas les armes nucléaires alors qu’il prohibe les armes chimiques et biologiques. Mais elle avait manifesté des réticences, non pas sur l’objectif mais sur la méthode. Dans son explication, le Conseil fédéral dit craindre «que le nouvel accord n’affaiblisse les normes, instruments ou forums existants tels que le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP)». Au cours des négociations, les diplomates suisses avaient tenté de renforcer les procédures de l’Agence internationale de l’énergie atomique. En vain.
La crainte d’une polarisation du débat
Le traité d’interdiction de juillet 2017 ayant été boycotté par les puissances nucléaires officielles (les cinq membres permanents du Conseil de sécurité) et non officielles (Israël, Inde, Pakistan), Berne craint que la nouvelle convention polarise les discussions entre les Etats nucléaires et membres de l’OTAN (sauf les PaysBas) d’un côté, les Etats jugeant nécessaire d’interdire des armes au plus vite de l’autre.
Le gouvernement redoute que s’instaure un dialogue de sourds. Tant la Russie que les Etats-Unis voire même la France sont dans un processus de modernisation de leurs arsenaux. De plus, le risque de conflit nucléaire s’est accru avec le programme nucléaire nord-coréen et la volonté de l’administration Trump de saper l’accord plurilatéral sur le nucléaire iranien. Pour le Conseil fédéral, le désarmement et, à terme, l’abolition des armes atomiques doivent se faire en concertation avec les principaux concernés, les puissances qui détiennent ces armes. Le désarmement est une obligation imposée aux Etats signataires du TNP.
La combat continue
Carlo Sommaruga, auteur de la motion, n’a pas tardé à réagir: «Je suis forcément déçu. La Confédération manque de cohérence. Elle a soutenu l’ICAN (Campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires, Prix Nobel de la paix 2017), ONG dont le siège est à Genève, et appuyé le processus d’abolition à ses débuts. Je suis donc surpris.» Mais le conseiller national ne perd pas pied: «J’ai encore bon espoir que le parlement vote dans le sens de la motion. Dans le cas contraire, il incombera à la société civile de se mobiliser pour renverser la tendance. C’est d’ailleurs elle qui a grandement contribué à l’adoption du traité à New York.»