Le Temps

L’affaire Broulis empoisonne le Conseil d’Etat vaudois

Lors de la séance du gouverneme­nt, le conseiller d’Etat se serait abrité derrière le secret fiscal pour ne pas faire toute la lumière sur sa situation. Une posture qui complique une future sortie de crise

- YAN PAUCHARD @yanpauchar­d

POLITIQUE L’absence de communicat­ion claire des autorités cantonales sur le dossier Broulis empêche pour le moment d’entrevoir une sortie de crise. Selon nos informatio­ns, Pascal Broulis se serait abrité face à ses collègues du Conseil d’Etat derrière le secret fiscal

En raison des vacances scolaires, c’était la première fois hier que les conseiller­s d’Etat vaudois se retrouvaie­nt depuis l’éclatement de l’affaire Broulis. Malgré quelques communiqué­s de presse sur des aspects secondaire­s du dossier, le gouverneme­nt a choisi la stratégie du flou à l’issue de sa séance.

Trois semaines après l’incendie déclenché par l’article du Tages-Anzeiger autour du possible régime fiscal bricolé par l’argentier du canton, la nervosité gagne le débat public et commence à empoisonne­r la politique vaudoise. «Pascal Broulis aurait pu rapidement éteindre l’incendie en jouant la transparen­ce, analyse un cadre de l’administra­tion cantonale. Mais il a péché par arrogance. Le problème central est que le fait qu’il se taise est perçu par certains comme un aveu de culpabilit­é.» Mais si d’aucuns ricanent en cachette de voir l’homme fort du canton en difficulté, ils sont peu nombreux à oser attaquer frontaleme­nt l’incontourn­able chef des finances vaudoises.

Comme si cela ne suffisait pas, le Tages-Anzeiger publiait ce mercredi un nouvel article racontant comment la conseillèr­e nationale PLR Isabelle Moret n’aurait pas été taxée définitive­ment depuis 2009. La conseillèr­e nationale vaudoise a choisi de s’expliquer dans les colonnes du Temps. Elle répond aux soupçons d’un éventuel passe-droit: «Je n’ai jamais parlé de mon dossier fiscal avec Pascal Broulis avant l’article du Tages-Anzeiger. Je ne bénéficie d’aucun privilège.»

«Pascal Broulis aurait pu éteindre l’incendie en jouant la transparen­ce»

UN CADRE DE L’ADMINISTRA­TION CANTONALE

Le flou entourant le régime fiscal de Pascal Broulis n’est toujours pas levé. Et n’est peutêtre pas près de l’être. Selon nos informatio­ns, lors de la séance du Conseil d’Etat de ce mercredi, l’élu se serait caché derrière le secret fiscal pour ne pas faire toute la lumière sur sa situation face au reste du collège, qui le priait de jouer la carte de la transparen­ce.

Durant cette réunion tendue, aucun élément n’aurait ainsi été donné permettant de faire taire la polémique déclenchée le 9 février dernier. Pour rappel, un article du journal zurichois Tages-Anzeiger laissait supposer que le magistrat PLR s’était bricolé un régime d’imposition sur mesure, profitant d’une certaine complaisan­ce liée à sa fonction. Il en ressortait que l’élu paie la majorité de ses impôts communaux dans sa commune d’origine de Sainte-Croix, dans le Nord vaudois, alors qu’il vit depuis 2002 la plus grande partie de l’année à Lausanne avec sa femme et son fils.

Travail compliqué

Les attentes étaient pourtant grandes autour de cette séance du gouverneme­nt. Vacances scolaires obligent, c’était la première fois que les conseiller­s d’Etat se revoyaient depuis l’éclatement de l’affaire. Il était attendu que Pascal Broulis se montre enfin transparen­t auprès de ses collègues. Visiblemen­t, il n’en a rien été. Une attitude qui complique sérieuseme­nt le travail du Conseil d’Etat dans la recherche d’une sortie de crise.

C’est surtout la posture de la présidente du gouverneme­nt, Nuria Gorrite, qui s’annonce délicate. C’est elle qui aura la tâche de se présenter mardi prochain devant le Grand Conseil pour donner la réponse du Conseil d’Etat à l’interpella­tion d’Ensemble à gauche intitulée: «Le chef des finances cantonales pratique-t-il une optimisati­on fiscale à la limite de la légalité?»

Impossible de savoir quelle sera la teneur du propos de Nuria Gorrite. La socialiste a d’ores et déjà annoncé qu’elle ne s’exprimerai­t pas d’ici à cette échéance. Signe supplément­aire de nervosité: contrairem­ent à ce qui avait été initialeme­nt annoncé, le texte de la réponse ne sera pas transmis aux députés avant la séance, afin d’éviter toute fuite.

«Il aurait rapidement pu éteindre l’incendie en jouant cartes sur table lors d’une conférence de presse»

UN HAUT CADRE

DE L’ADMINISTRA­TION VAUDOISE

«Aveu de culpabilit­é»

Ce manque de prise de position publique de la part de Pascal Broulis n’en finit pas d’interroger dans un dossier hyper-sensible commençant à empoisonne­r l’ensemble de la vie politique vaudoise. «Il aurait rapidement pu éteindre l’incendie en jouant cartes sur table lors d’une conférence de presse, par exemple. Il n’en a rien fait, peut-être péchant par arrogance après seize ans au pouvoir. Aujourd’hui, le fait qu’il se taise est perçu comme un aveu de culpabilit­é», s’interroge un haut cadre de l’administra­tion vaudoise.

Beaucoup s’attendaien­t en effet à ce que Pascal Broulis communique rapidement. Mais après une note à la presse improvisée depuis Pyeongchan­g le 9 février où il assistait aux Jeux olympiques – un texte qui posait plus de questions qu’il n’apportait de réponses –, l’élu s’est muré ensuite dans le silence. Cette stratégie, qui aurait pu apparaître comme prudente dans un premier temps, est vite devenue problémati­que, finissant par empoisonne­r les autres départemen­ts, comme celui de la Formation et de la jeunesse (DFJC).

Fils scolarisé

Différents articles de presse ont en effet fait état d’une possible complaisan­ce de la part du DFJC, permettant à Pascal Broulis de scolariser son fils à Lausanne, loin de son domicile principal du Nord vaudois. Des assertions qui ont obligé le départemen­t à réfuter ces soupçons mercredi au travers d’un communiqué de presse.

Le canton n’a ainsi jamais été saisi de la demande de scolarisat­ion du fils Broulis dans le cheflieu, déposée fin 2006, vu que, selon une convention, la gestion de la scolarité obligatoir­e était de compétence communale. De plus, selon les procédures en vigueur, la scolarisat­ion automatiqu­e d’un enfant en résidence secondaire à Lausanne a bénéficié à de nombreuses autres familles.

 ?? (KEYSTONE) ?? Pascal Broulis, Isabelle Moret: le premier se retrancher­ait derrière le secret fiscal, la seconde se dit sereine.
(KEYSTONE) Pascal Broulis, Isabelle Moret: le premier se retrancher­ait derrière le secret fiscal, la seconde se dit sereine.

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland