Un doute insidieux
Pour le gouvernement vaudois, il faut remonter très loin pour trouver une situation aussi grave
Les remous autour de Pascal Broulis tournent à l’affaire d’Etat dans le canton de Vaud. Il faut remonter de nombreuses années en arrière pour trouver une situation aussi embarrassante au sommet du pouvoir cantonal. Revenir avant la politique des «compromis dynamiques» tissés entre la gauche et la droite et leurs ténors depuis une quinzaine d’années, peutêtre même à la crise politico-financière des années 1990.
Pour avoir répondu de manière incomplète aux premières questions posées sur ses domiciles, Pascal Broulis en a suscité d’autres. Ce n’est plus seulement la presse qui lui réclame des comptes. Ses collègues du Conseil d’Etat exigent la transparence, pour pouvoir répondre aux députés qui se sont saisis de l’affaire, et veulent éviter d’être éclaboussés.
La gravité de cette affaire tient pour beaucoup aux soupçons qui peuvent se répandre dans la population sur les traitements de faveur dont pourrait avoir bénéficié le puissant patron des finances cantonales. La situation d’Isabelle Moret, avec ses dix ans sans taxation définitive, ajoute au malaise que peut le ressentir le contribuable moyen. Les notables du canton feraient-ils preuve de complaisance les uns avec les autres? Plus d’un parent d’élève repense par ailleurs à la dérogation qu’on lui a refusée sur le lieu de scolarisation.
Le doute le plus insidieux risque de ternir le mode de gouvernement par consensus général que connaît le canton de Vaud, inspiré au plus haut niveau par les personnalités qui tiennent le gouvernail. Ce système, au reste plébiscité dans les urnes, a permis de redresser un canton plongé il y a vingt ans dans les dettes et la crise de confiance, tout en favorisant l’Etat social. Mais il a eu pour effet pervers, à force de donnant-donnant, d’émousser les positions politiques des partis de gouvernement et de nuire à la vivacité du débat démocratique. Doit-on croire désormais qu’il reposait aussi sur un réseau de connivences?
Nous ne croyons pas que le canton soit devenu une république bananière. Mais la durabilité de ce pouvoir, à travers celle de ses principaux représentants, ainsi que la «paix vaudoise» qui en a découlé peuvent bien avoir produit un effet anesthésiant sur les remises en question. Que les informations qui gênent surgissent aujourd’hui par le quotidien zurichois
Tages-Anzeiger plutôt que par les médias installés à Lausanne nous interpelle directement.
S’il fallait trouver un côté positif à cette affaire, bien que le dernier mot ne soit pas encore dit, c’est qu’elle secoue la vie publique d’un canton menacé par l’habitude. Il est surtout indispensable que les autorités impliquées, cantonales comme communales, apportent une complète clarté sur toutes les étapes de ce dossier.