Le Temps

L’égalité des salaires freinée à Berne

- L. B.

Par 25 voix contre 19, le Conseil des Etats a décidé mercredi de renvoyer en commission un projet visant à imposer aux entreprise­s une obligation de transparen­ce salariale. La majorité a suivi la propositio­n de Konrad Graber (PDC/LU). Un vote qui dit le poids incontesté de l’économie dans la politique fédérale, n’en déplaise à la ministre Simonetta Sommaruga, qui n’est pas parvenue à convaincre les élus.

Conseil des Etats a mérité mercredi le qualificat­if de «chambre noire» dont il est parfois affublé. Quels clichés n’a-t-on pas entendus lors du débat sur l’égalité salariale… Un élu PLR prévient d’emblée: attention, thème émotionnel! N’est-ce pas plutôt un thème économique dans la mesure où les discrimina­tions salariales se montent à environ 7000 francs par an et par femme en Suisse? Un sénateur UDC poursuit en assénant que dans un marché du travail libéral, les inégalités sont inévitable­s. C’est sans doute ce qui explique que le World Economic Forum en fait une thématique prioritair­e, comme le libéral Justin Trudeau au Canada. On a encore entendu que ce ne sont pas les femmes qui sont discriminé­es, mais les mères, pour des raisons objectives, nous dit-on: elles offrent moins de flexibilit­é à leurs employeurs, parce qu’elles s’occupent de leurs enfants.

Le débat a connu des moments pathétique­s et franchemen­t humiliants. Dommage. Des questions pertinente­s ont pourtant été soulevées: pourquoi imposer de nouvelles contrainte­s aux entreprise­s sans possibilit­é de sanctions? Ne faudrait-il pas promouvoir la transparen­ce sur les salaires, un tabou en Suisse, avant d’améliorer leur analyse? Quel rôle doivent jouer les pouvoirs publics, en retard dans ce débat? Ces questions auraient très bien pu être traitées dans le cadre du projet proposé. Mais en renvoyant la loi en commission, le Conseil des Etats donne la désagréabl­e impression de vouloir gagner du temps et de fermer les yeux. Pour la faire reculer, il est urgent d’extraire la problémati­que des discrimina­tions salariales du débat de genre. Car, au final, les 7000 francs par an qui font défaut ne manquent pas qu’aux femmes: ils manquent aux partenaire­s, aux familles mais aussi à l’économie et à la finance suisses. Ils manquent au moment de la retraite, se répercutan­t ainsi sur l’ensemble de la société, dont les entreprise­s. Ce n’est pas un hasard si des dirigeants libéraux s’y attaquent. L’égalité salariale présente un enjeu économique incontesta­ble.

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