Le Temps

«Je paie 2500 francs d’impôts par mois»

- PROPOS RECUEILLIS PAR MICHEL GUILLAUME @mfguillaum­e

Après les révélation­s du «TagesAnzei­ger» selon lesquelles elle n’a plus été taxée définitive­ment depuis dix ans, Isabelle Moret s’explique au «Temps». Elle assure ne rien avoir à se reprocher

Après Pascal Broulis, voilà qu’une autre personnali­té du PLR vaudois, Isabelle Moret, se retrouve sur la sellette à la suite de révélation­s du Tages-Anzeiger. Ce mercredi, le quotidien zurichois a reproché à l’ex-candidate au Conseil fédéral de ne plus avoir été taxée définitive­ment par le fisc depuis 2009. La nouvelle a suscité une certaine stupéfacti­on sous la Coupole, mais sans provoquer de scandale. «C’est un non-événement», dit même la Vert’libérale Isabelle Chevalley. L’ex-syndic de Lausanne Daniel Brélaz (Verts) se fait shakespear­ien. «Je ne connais pas le dossier, mais à première vue, on fait beaucoup de bruit pour rien.» Quant à Jean-Pierre Grin (UDC), il confie que sa taxation pour 2010, année lors de laquelle il a remis le domaine à son fils, est toujours ouverte pour des questions de fiscalité agricole. Pour les années suivantes en revanche, il est à jour.

Il existe certes quelques voix plus critiques, mais elles préfèrent rester anonymes en attendant d’en savoir davantage. Côté PLR, certains craignent pour le dégât d’image au parti. Dans les autres formations, on secoue tout de même la tête. «Dix ans sans taxation, c’est digne d’une république bananière»! Ce n’est pas l’avis du président du PLR vaudois, Frédéric Borloz, qui tient une fiduciaire. «Des dossiers qui durent dix ans, j’en ai déjà vu», déclare-t-il. Aux citoyens lambda qui craindraie­nt des passe-droits faits à une conseillèr­e nationale, il répond: «Le canton de Vaud ne lâche aucun dossier, croyez-en mon expérience. Il a une administra­tion fiscale parmi les plus dures de Suisse.»

La principale intéressée, Isabelle Moret, se dit sereine dans cette affaire. Contrairem­ent à Pascal Broulis, elle a accepté de répondre aux critiques dans une interview accordée au Temps:

Vous avez fermé votre cabinet d’avocate en 2013 et êtes en procédure de séparation depuis 2015. Mais comment se fait-il que vous n’ayez plus été taxée depuis 2009? J’ai transféré mon activité indépendan­te de l’arrondisse­ment fiscal de Lausanne à celui de Morges en 2013. A la fin de cette année-là, mon mari et moi avons reçu notre dernière taxation pour 2009. Mais nous avons déposé une réclamatio­n contre cette taxation car elle imposait des défraiemen­ts de 13 000 francs pour des repas dans le cadre de mon activité parlementa­ire. Ces montants ne sont en effet pas imposables. Du coup, les taxations suivantes ont été bloquées. Moins de deux ans après, mon mari et moi nous sommes séparés, ce qui a encore compliqué toute la situation.

Le litige ne porte ainsi que sur 13 000 francs? Pour l’instant, il n’y a pas de litige, car il n’y a pas de taxation définitive. L’administra­tion m’a demandé des pièces supplément­aires, par exemple sur le loyer, que j’ai fournies. De plus, de par nos déménageme­nts, le dossier a plusieurs fois changé de main au fisc. Lorsqu’il y a un divorce compliqué, la situation financière l’est aussi. Ainsi, le Tribunal fédéral n’a fixé que voici deux mois le montant de la pension alimentair­e pour mes deux enfants, cela rétroactiv­ement sur deux ans.

Pourquoi ne citez-vous pas de chiffres plus précis? J’attends avec impatience ma première taxation séparée pour l’année 2016, à propos de laquelle je pourrai communique­r. Actuelleme­nt, je ne peux rien publier, car mon futur ex-mari est aussi impliqué dans cette affaire.

Avez-vous des arriérés d’impôts? Non. Actuelleme­nt, je n’ai pas de dette envers le fisc. Je paie la grande majorité des acomptes que je reçois. Avec mon mari, nous étions mariés sous le régime de la séparation des biens. Les acomptes n’ont été que partiellem­ent payés, mais les impôts seront payés dès que la taxation sera faite. Ce qui crée le malentendu, c’est le fait que l’immense majorité des acomptes non payés par notre couple – mais non encore exigibles – provient des revenus de mon futur ex-mari, qui a occupé des postes à grande responsabi­lité [d’abord partenaire chez McKinsey à Genève, puis aujourd’hui CEO d’Elca, ndlr].

Combien payez-vous d’impôts, concrèteme­nt? Je paie des acomptes de 2500 francs par mois, soit 30 000 francs par an. Actuelleme­nt, je suis quasiment à jour pour ce qui suit la séparation. Pour le passé, je ne connaîtrai la part encore à payer qu’une fois que j’aurai reçu les taxations définitive­s. Il faut attendre la fin du divorce. Mais selon ma fiduciaire, ce montant sera très réduit.

Une conseillèr­e nationale, de surcroît ex-candidate au Conseil fédéral, n’a-t-elle pas une fonction d’exemplarit­é par rapport au fisc? Tout à fait, mais c’est exactement ce que je fais. Je paie ce que je dois. Et quand on me demande des pièces, j’y réponds. J’ai ainsi transmis les certificat­s de salaire de mes deux employés à temps partiel et de mes deux assistants parlementa­ires.

Avez-vous bénéficié de passe-droits d’une autorité fiscale dont le responsabl­e politique est Pascal Broulis? Je n’ai jamais parlé de mon dossier fiscal avec Pascal Broulis avant l’article du Tages-Anzeiger paru ce mercredi. Je ne bénéficie d’aucun privilège. Au contraire, j’ai l’impression qu’on me demande plus de pièces qu’à d’autres citoyens car je suis une personnali­té connue. Mais l’administra­tion fait son travail, c’est juste.

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