Un rapport onusien incrimine la politique fiscale suisse
L’expert Juan Pablo Bohoslavsky demande à la Suisse de fermer la porte à la fraude et à l’évasion fiscales en provenance d’autres pays
La Suisse, plus particulièrement son régime fiscal, a fait l’objet d’un rapport publié mercredi par le Conseil des droits de l’homme dont la 37e session vient de démarrer à Genève. Juan Pablo Bohoslavsky, expert indépendant de l’ONU chargé d’examiner les effets de la dette extérieure sur l’exercice des droits économiques et sociaux, y fait une trentaine de recommandations pour que la place financière suisse puisse se montrer irréprochable.
«La Confédération a déjà entrepris des efforts pour contrer les flux financiers illicites, note l’expert. Par exemple, depuis 1986, elle a retourné 2 milliards de francs déposés dans des banques suisses par des dirigeants corrompus à leur pays respectif.» Mais, selon lui, davantage doit être fait pour faire face aux risques constants de la fraude et de l’évasion fiscales.
Pourquoi se pencher sur la Suisse? Dans une résolution votée en mars 2017, le Conseil des droits de l’homme en fait un cas d’école. Selon le rapport, «elle est l’une des places financières parmi les plus importantes du monde, qui gère 25% d’actifs internationaux et dont les banques détiennent 29000 milliards de francs déposés par des clients étrangers».
L’expert argentin a passé dix jours en Suisse l’automne dernier et consulté divers acteurs publics et privés. Pour faire mouche, il traite un sujet d’actualité – le Projet fiscal 17 – qui, selon lui, montre les travers du système fiscal suisse. Juan Pablo Bohoslavsky affirme que cette proposition qui sera soumise au vote populaire au printemps, en remplacement de la RIE III rejetée l’an dernier, «exacerbe davantage la concurrence fiscale nocive au niveau international et même entre les cantons».
Pertes fiscales pour les pays du Sud
Le Projet fiscal 17 reste, selon l’expert, une incitation aux multinationales de transférer leurs profits en Suisse alors que ces dernières devraient payer les impôts là où elles réalisent les bénéfices. «Le manque à gagner, plus particulièrement pour les pays du Sud, mine la capacité des autorités à assumer leurs devoirs en matière de santé, de sécurité sociale, d’éducation et de création d’infrastructures», a-t-il déclaré mercredi.
Juan Pablo Bohoslavsky demande notamment à la Confédération de baisser le seuil de 300000 francs d’évitement fiscal par année pour pouvoir ouvrir une enquête. Selon lui, Berne doit aussi pouvoir saisir les comptes et les biens illicites sans que le détenteur soit au préalable jugé et déclaré coupable dans son pays.
Le rapport onusien a été salué par l’Alliance Sud, un lobby suisse en faveur de la coopération internationale. «Les inquiétudes exprimées dans le rapport ne tombent pas de nulle part, a déclaré Dominik Gross, chargé des questions financières. Les pays en développement perdent chaque année 200 milliards de dollars de recettes fiscales parce que les multinationales déplacent leurs bénéfices dans des pays à fiscalité basse, comme la Suisse.»
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