«No Billag» ne menace pas la démocratie
«L’initiative «No Billag» menace la démocratie.» Cette formule assénée à l’envi par les apologistes de la taxe Billag parachève une campagne toute fondée sur l’exploitation des peurs. Une affirmation aussi grave ne peut rester sans réponse. Que les citoyens se rassurent: la démocratie survivra à une redevance radio-télévision anachronique. Non seulement l’initiative «No Billag» ne menace pas la démocratie mais, bien mieux, elle l’assainit.
Selon les opposants, la démocratie reposerait sur l’existence des médias. En effet, ces derniers offriraient aux citoyens l’accès à une information de qualité, condition nécessaire à l’exercice démocratique. Or, l’existence des médias dépendrait d’un financement public. En supprimant tout financement public des médias, «No Billag» compromettrait leur existence et menacerait la démocratie. En outre, l’exigence de rentabilité des médias privés serait incompatible avec la production d’une information de qualité (i.e. fiable et vérifiée), trop coûteuse et nécessairement non rentable. En conséquence, le financement privé des médias rendrait impossible la production d’une information de qualité.
L’argument peut être réfuté pour au moins deux raisons. Premièrement, l’existence d’une presse privée en Suisse, sur un marché de la presse non faussé par l’intervention de l’Etat, dément l’affirmation selon laquelle l’accès à l’information dépend exclusivement d’un financement public. Sur un marché de l’audiovisuel libre, des médias privés, dirigés par des entrepreneurs créatifs plutôt que par des lobbyistes, pourraient tout aussi bien prospérer.
Deuxièmement, l’argument des opposants présuppose – à tort croyons-nous – que les citoyens sont irresponsables. En effet, pour des citoyens responsables, une information fiable et vérifiée est hautement valorisable. Si la demande pour une information de qualité existe – ce que nous supposons –, alors cette demande rencontrera une offre adaptée (i.e. utile et rentable) dans un marché libre. Si les citoyens suisses sont responsables – ce que présuppose l’exercice de la citoyenneté –, il est faux d’affirmer que produire une information de qualité est nécessairement non rentable.
Il n’est donc pas besoin d’un financement public des médias pour assurer l’accès des citoyens à une information de qualité. Par conséquent, l’initiative «No Billag» ne menace pas la démocratie.
L’Etat détient le monopole de l’utilisation légale de la force. Dès lors, l’existence d’un véritable contre-pouvoir est une précaution nécessaire pour contrer d’éventuels abus du pouvoir politique. Dans une démocratie saine, les médias assument cette fonction de contre-pouvoir.
Il ne saurait y avoir de véritable contre-pouvoir médiatique sans indépendance vis-à-vis du politique. Or, la SSR est fortement dépendante du politique en raison de son financement public. En effet, le politique décide du montant de la redevance, nomme des membres de son conseil d’administration, édicte le cadre législatif et réglementaire. En raison d’un conflit d’intérêts, la SSR est entravée dans son rôle de contre-pouvoir. En supprimant le financement public des médias, «No Billag» rend son indépendance à la SSR et lui permet d’assumer pleinement son rôle de contre-pouvoir.
Des avis pluriels et des médias indépendants pour s’en faire l’écho sont une condition essentielle à l’exercice démocratique. Toute appréciation individuelle étant partielle et relative, il est nécessaire de faire droit à la pluralité des voix pour accéder à une information et une représentation à la fois plus nuancée, globale et objective des faits, en phase avec la réalité du monde. La pluralité des voix permet en outre d’éluder les biais cognitifs individuels, de combattre les préjugés et les idéologies, de confondre et de contrer les informations fallacieuses. Avec la pluralité, les jugements sont mieux fondés et le jeu démocratique sert davantage les intérêts publics. Elle est ainsi le meilleur rempart d’une société libre pour préserver le choix des citoyens de toute pression, ingérence et manipulation.
Le financement public de la SSR nuit à la diversité des médias et à la pluralité des opinions dans le paysage audiovisuel. En effet, la concurrence déloyale de la SSR sur le marché de l’audiovisuel empêche le développement d’une offre privée alternative. En raison du quasi-monopole de la SSR, il résulte une uniformisation de l’audiovisuel qui favorise la pensée unique, poison de la démocratie. En supprimant le financement public des médias, «No Billag» met fin au monopole de la SSR et permet à de nouveaux acteurs d’émerger.
L’initiative «No Billag» bénéficie à la démocratie pour au moins deux raisons: elle rend son indépendance à la SSR et la réhabilite en qualité de contre-pouvoir; elle permet une diversification des acteurs dans le paysage audiovisuel et favorise ainsi une authentique pluralité des opinions.
En raison d’un conflit d’intérêts, la SSR est entravée dans son rôle de contre-pouvoir