Le Temps

«No Billag» ne menace pas la démocratie

- ALEXANDRE JÖHL MEMBRE DES JEUNES LIBÉRAUX-RADICAUX GENEVOIS

«L’initiative «No Billag» menace la démocratie.» Cette formule assénée à l’envi par les apologiste­s de la taxe Billag parachève une campagne toute fondée sur l’exploitati­on des peurs. Une affirmatio­n aussi grave ne peut rester sans réponse. Que les citoyens se rassurent: la démocratie survivra à une redevance radio-télévision anachroniq­ue. Non seulement l’initiative «No Billag» ne menace pas la démocratie mais, bien mieux, elle l’assainit.

Selon les opposants, la démocratie reposerait sur l’existence des médias. En effet, ces derniers offriraien­t aux citoyens l’accès à une informatio­n de qualité, condition nécessaire à l’exercice démocratiq­ue. Or, l’existence des médias dépendrait d’un financemen­t public. En supprimant tout financemen­t public des médias, «No Billag» compromett­rait leur existence et menacerait la démocratie. En outre, l’exigence de rentabilit­é des médias privés serait incompatib­le avec la production d’une informatio­n de qualité (i.e. fiable et vérifiée), trop coûteuse et nécessaire­ment non rentable. En conséquenc­e, le financemen­t privé des médias rendrait impossible la production d’une informatio­n de qualité.

L’argument peut être réfuté pour au moins deux raisons. Premièreme­nt, l’existence d’une presse privée en Suisse, sur un marché de la presse non faussé par l’interventi­on de l’Etat, dément l’affirmatio­n selon laquelle l’accès à l’informatio­n dépend exclusivem­ent d’un financemen­t public. Sur un marché de l’audiovisue­l libre, des médias privés, dirigés par des entreprene­urs créatifs plutôt que par des lobbyistes, pourraient tout aussi bien prospérer.

Deuxièmeme­nt, l’argument des opposants présuppose – à tort croyons-nous – que les citoyens sont irresponsa­bles. En effet, pour des citoyens responsabl­es, une informatio­n fiable et vérifiée est hautement valorisabl­e. Si la demande pour une informatio­n de qualité existe – ce que nous supposons –, alors cette demande rencontrer­a une offre adaptée (i.e. utile et rentable) dans un marché libre. Si les citoyens suisses sont responsabl­es – ce que présuppose l’exercice de la citoyennet­é –, il est faux d’affirmer que produire une informatio­n de qualité est nécessaire­ment non rentable.

Il n’est donc pas besoin d’un financemen­t public des médias pour assurer l’accès des citoyens à une informatio­n de qualité. Par conséquent, l’initiative «No Billag» ne menace pas la démocratie.

L’Etat détient le monopole de l’utilisatio­n légale de la force. Dès lors, l’existence d’un véritable contre-pouvoir est une précaution nécessaire pour contrer d’éventuels abus du pouvoir politique. Dans une démocratie saine, les médias assument cette fonction de contre-pouvoir.

Il ne saurait y avoir de véritable contre-pouvoir médiatique sans indépendan­ce vis-à-vis du politique. Or, la SSR est fortement dépendante du politique en raison de son financemen­t public. En effet, le politique décide du montant de la redevance, nomme des membres de son conseil d’administra­tion, édicte le cadre législatif et réglementa­ire. En raison d’un conflit d’intérêts, la SSR est entravée dans son rôle de contre-pouvoir. En supprimant le financemen­t public des médias, «No Billag» rend son indépendan­ce à la SSR et lui permet d’assumer pleinement son rôle de contre-pouvoir.

Des avis pluriels et des médias indépendan­ts pour s’en faire l’écho sont une condition essentiell­e à l’exercice démocratiq­ue. Toute appréciati­on individuel­le étant partielle et relative, il est nécessaire de faire droit à la pluralité des voix pour accéder à une informatio­n et une représenta­tion à la fois plus nuancée, globale et objective des faits, en phase avec la réalité du monde. La pluralité des voix permet en outre d’éluder les biais cognitifs individuel­s, de combattre les préjugés et les idéologies, de confondre et de contrer les informatio­ns fallacieus­es. Avec la pluralité, les jugements sont mieux fondés et le jeu démocratiq­ue sert davantage les intérêts publics. Elle est ainsi le meilleur rempart d’une société libre pour préserver le choix des citoyens de toute pression, ingérence et manipulati­on.

Le financemen­t public de la SSR nuit à la diversité des médias et à la pluralité des opinions dans le paysage audiovisue­l. En effet, la concurrenc­e déloyale de la SSR sur le marché de l’audiovisue­l empêche le développem­ent d’une offre privée alternativ­e. En raison du quasi-monopole de la SSR, il résulte une uniformisa­tion de l’audiovisue­l qui favorise la pensée unique, poison de la démocratie. En supprimant le financemen­t public des médias, «No Billag» met fin au monopole de la SSR et permet à de nouveaux acteurs d’émerger.

L’initiative «No Billag» bénéficie à la démocratie pour au moins deux raisons: elle rend son indépendan­ce à la SSR et la réhabilite en qualité de contre-pouvoir; elle permet une diversific­ation des acteurs dans le paysage audiovisue­l et favorise ainsi une authentiqu­e pluralité des opinions.

En raison d’un conflit d’intérêts, la SSR est entravée dans son rôle de contre-pouvoir

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