Il est temps de reconsidérer l’animal et les traitements qu’il subit
Incriminée en tant que directrice de la fondation Mouvement pour les animaux et le respect de la terre (MART) par le conseiller d'Etat Philippe Leuba dans une interview accordée au Temps (LT du 07.02.2018), je souhaiterais préciser certains points. Si je ne dénie pas l'impact et l'importance des mesures qu'il a décidées et que nous saluons, il ne devrait pas être oublié qu'elles ont été prises à la suite des vidéos tournées par MART en 2016 et 2017 dans les exploitations de M. Annen.
Ma fondation dénonce cet éleveur depuis dix ans sans que les services compétents ne l'aient jamais réellement sanctionné. Il aura fallu l'action conjuguée de nos images et des médias pour que le public prenne connaissance de la triste réalité des élevages en Suisse et de leurs dysfonctionnements.
La famille Annen était le plus gros producteur de la région. On ne peut dès lors pas prétendre que les conditions d'élevage sont bonnes dans notre canton. Ou sontelles désormais meilleures grâce à nos actions? Aujourd'hui Willy Annen a pris sa retraite, qui était par ailleurs programmée puisque ses installations n'auraient pas été conformes aux nouvelles lois qui entrent en vigueur en 2018. Ses fils ont repris leurs activités dans leurs élevages porcins.
Alors certes, M. Leuba peut critiquer notre intervention à l'exploitation porcine de Chanéaz. Nonobstant, lorsque nous nous sommes rendus dans cette ferme à la suite d'une dénonciation, nous y avons découvert trois cochons dans un état pitoyable. Un souffrait d'un abcès énorme qui datait de quelques semaines ou mois, deux autres d'ataxie et de troubles neurologiques. Ils ne cessaient de mordre la plaie du premier. Contacté par nos soins, une fois sur place, le vétérinaire cantonal en personne n'a pas eu d'autre choix que d'euthanasier ces animaux.
Notre but n'était pas de stigmatiser cet éleveur dont nous ignorions par ailleurs l'identité et dont la porcherie était en effet nettement mieux que celles que nous avons l'habitude de voir. Mais après des années de dénonciations et de plaintes restées lettre morte par les autorités compétentes, il est vrai que notre réflexe est d'alerter les médias qui, eux, révèlent les maltraitances que nous découvrons et que nous dénonçons. Dans les cantons où les services vétérinaires acceptent une collaboration avec les associations, les choses se règlent différemment et d'abord dans l'intérêt des animaux. Sur Vaud, toute communication est systématiquement refusée par le service vétérinaire, ce que nous déplorons car une meilleure concertation permettrait sans aucun doute d'améliorer la condition des animaux élevés dans notre région.
Ces derniers mois, cette thématique de la bientraitance animale n'a cessé d'alimenter les médias de façon exponentielle. Le consommateur découvre abasourdi et choqué comment on élève les animaux destinés à sa consommation. Plus récemment, grâce aux images d'autres militants, il découvre comment on les abat. Il réalise alors que même si l'élevage a été respectueux et que, même lorsque l'abattage respecte les normes, ce geste reste cruel et insoutenable.
C'est mon travail et mon engagement de montrer ces réalités. C'est de l'information pure. Je suis intimement convaincue que les images contribuent à faire changer les mentalités et à faire réfléchir sur notre consommation de viande. Ajoutez à cela l'impact de l'élevage sur le climat, les récentes mises en garde de l'OMS et de diététiciens toujours plus nombreux sur les risques liés à la consommation de viande ainsi que les dernières découvertes en éthologie qui révèlent des compétences aux animaux jusque-là insoupçonnées et des sentiments proches des nôtres. Il semble dès lors qu'il est temps de reconsidérer l'Animal et les traitements que nous lui faisons subir.
Ce débat est devenu inéluctable, les militants seront toujours plus nombreux et ce mouvement prendra toujours plus d'ampleur. Reste à espérer que nos élus seront précurseurs et visionnaires. N'est-ce pas ce que l'on est en droit d'attendre d'eux?
Dans le canton de Vaud, toute communication est systématiquement refusée par le service vétérinaire