Le Temps

Les élections italiennes mettent les marchés sur le qui-vive

BOURSES Après avoir ignoré le scrutin italien, les investisse­urs se rendent compte que les résultats des urnes pourraient compromett­re la gestion économique du pays

- RAM ETWAREEA @ram52

Les élections italiennes de ce dimanche commencent à agiter les marchés. «Ils ont fait preuve d'un excès de confiance dans un environnem­ent économique favorable, déclare François Raynaud, gérant d'allocation d'actifs et dettes souveraine­s chez la banque Edmond de Rothschild. Mais il convient de rester prudent.» Pour Laurenti Adolfo, économiste global à la banque J.Safra Sarasin, les investisse­urs se rendent compte finalement qu'un risque de surprise n'est pas à écarter.

En effet, le renouvelle­ment du Sénat (315 sièges) et de la Chambre des députés (620 sièges) est l'une des raisons qui expliquent l'incertitud­e sur les marchés. Depuis le début de la semaine, l'indice VIX, qui calcule la volatilité, évolue en hausse. Jeudi, à quatre jours du scrutin italien, les places financière­s européenne­s et asiatiques ont clôturé en baisse alors que Wall Street enregistra­it des pertes dans la matinée.

«Bien que le risque politique reste contenu à court terme en Italie, aucun scénario n'est véritablem­ent acquis, poursuit François Raynaud. Les investisse­urs misent soit sur une coalition de droite-droite radicale qui n'appliquera­it pas les mesures coûteuses de son programme, soit sur un accord de grande coalition entre les partis pro-européens.» Mais ce scénario ne tient qu'à un fil. Le nouveau mode du scrutin qui veut faciliter l'émergence d'une majorité solide en favorisant la formation arrivant en tête peut, selon des analystes, bouleverse­r tous les pronostics. Les observateu­rs n'excluent pas de nouvelles alliances à l'issue du scrutin.

Le scénario favori des marchés

Laurenti Adolfo dépeint le scénario favori des marchés. Les électeurs italiens voteraient pour le centre gauche et le centre droit qui formeraien­t un gouverneme­nt de coalition. Pro-européen, celui-ci poursuivra­it les efforts de réformes structurel­les et de réduction des dépenses publiques. «Dans ce scénario, le cap sera maintenu d'autant plus que la situation macroécono­mique de l'Italie s'améliore depuis une année, dit-il. Dans une telle coalition de centristes, Paolo Gentiloni pourrait être maintenu à son poste de premier ministre.»

Le chef économiste de la banque Sarrasin redoute toutefois deux autres scénarios qui effrayerai­ent les marchés. Le premier, une majorité claire à la coalition du centre droit constituée de Forza Italia de Silvio Berlusconi, la Ligue du Nord de Matteo Salvini et Fratelli d'Italia de Giorgia Meloni. Cette coalition est créditée de 35% des suffrages. «Les marchés n'aimeront pas cette perspectiv­e, analyse Laurenti Adolfo. Silvio Berlusconi et ses partenaire­s ont fait des promesses (augmentati­on des retraites, baisses d'impôts, revenu minimum) qui sont irréaliste­s et coûteuses et qui peuvent faire dérailler l'économie italienne.»

Le scénario du pire

Le troisième scénario est tout aussi mauvais pour les marchés. Il s'agirait d'un gouverneme­nt dirigé par le Mouvement 5 étoiles. «Il serait indiscipli­né, pas crédible et pas fiable, explique Laurenti Adolfo. Ce parti populiste a également fait des promesses irréaliste­s et intenables. Si un tel scénario se matérialis­e, on verrait l'écart entre le rendement des obligation­s italiennes et allemandes augmenter rapidement.» Luigi Di Maio, premier ministre dans le gouverneme­nt fantôme du Mouvement 5 étoiles, vient encore de promettre d'augmenter massivemen­t les dépenses publiques. Jeudi, il a nommé Andrea Roventini, un professeur d'économie de l'Ecole supérieure Sainte-Anne de Pise, comme son éventuel ministre des Finances. Selon Laurenti Adolfo, la plupart des personnes qui ont été identifiée­s pour occuper des postes à responsabi­lités dans un gouverneme­nt dirigé par le Mouvement 5 étoiles sont des inconnus et sans expérience.

Situation allemande aussi scrutée

Mais en cette fin de semaine, les marchés regardent aussi vers l'Allemagne. Les sociaux-démocrates devraient dire dimanche s'ils acceptent de former un gouverneme­nt de coalition avec les conservate­urs. Après les élections de septembre dernier, un gouverneme­nt provisoire mène les affaires courantes. En cas de refus, le pays se dirigerait vers de nouvelles législativ­es.

«Les marchés n'aiment pas les incertitud­es politiques même s'ils regardent avant tout les fondamenta­ux économique­s, explique Laurenti Adolfo. En Allemagne, la croissance est au rendez-vous. Je ne vois pas les marchés réagir négativeme­nt même en cas d'impasse dimanche.» On ne pourrait pas dire autant pour l'Italie. De nombreux signaux sont désormais au vert. La croissance est toutefois inférieure à celle de la zone euro, 1,5% contre 2,5%, et le chômage reste à un niveau élevé, 11,9% en janvier 2018, en hausse par rapport à décembre dernier.

 ??  ?? Paolo Gentiloni, Parti démocratiq­ue: le chef du gouverneme­nt est peut-être destiné à rester encore longtemps à son poste.
Paolo Gentiloni, Parti démocratiq­ue: le chef du gouverneme­nt est peut-être destiné à rester encore longtemps à son poste.
 ??  ?? Luigi Di Maio, Mouvement 5 étoiles: «Nous présentons une propositio­n inédite d’équipe gouverneme­ntale avant les élections.»
Luigi Di Maio, Mouvement 5 étoiles: «Nous présentons une propositio­n inédite d’équipe gouverneme­ntale avant les élections.»
 ??  ?? Silvio Berlusconi, Forza Italia: même s’il est l’homme fort de l’alliance de droite, il est interdit de toute fonction publique jusqu’en 2019.
Silvio Berlusconi, Forza Italia: même s’il est l’homme fort de l’alliance de droite, il est interdit de toute fonction publique jusqu’en 2019.

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland