Le Temps

Les végans ont presque raison

- CAROLINE CHRISTINAZ @caroline_tinaz

La société se véganise, nos placards se remplissen­t de lentilles, de quinoa et de lait d’amande. On suspecte notre laitier de harcèlemen­t bovin, on s’interroge sur le sort réservé aux bouchers lors du Jugement dernier et on se signe en salivant sur un gruyère salé. Faudra-t-il bientôt se cacher au fin fond d’une vallée valaisanne pour se permettre de croquer dans une tranche de viande séchée bien loin des regards inquisiteu­rs? Les végans nous agacent. En s’autoprocla­mant garants d’une éthique sans faille, ils donnent envie de leur chercher des noises. On en trouve: le mouvement n’est pas sans failles ni paradoxes. Ses adeptes prônent la désobéissa­nce civile, tout en espérant qu’on obéisse à leurs injonction­s morales. Combien d’entre eux, tout en écartant des produits au nom de la conscience, se tournent vers des aliments cultivés à l’autre bout du monde à l’empreinte écologique considérab­le? Mais s’ils dérangent, c’est surtout parce qu’ils trahissent les dérives d’une société citadine déconnecté­e de la nature et pointent du doigt les excès de l’industrie alimentair­e. Ils ont habitué le grand public à un discours dogmatique, péchant par excès. Difficile de faire preuve de la subtilité, de la pondératio­n et de la réflexion nécessaire­s pour convaincre le plus grand nombre lorsqu’on est tiré par l’utopie. Ils ont dû s’en rendre compte, eux qui se servent désormais des outils de la démocratie directe pour tenter d’imposer leurs arguments plutôt que de choquer l’opinion. Leurs méthodes coup-de-poing ont pourtant été jusqu’ici nécessaire­s pour pousser le consommate­ur à se responsabi­liser, le convaincre que le contenu de son panier influence les producteur­s en amont. Peut-être que les végans agacent, mais les pratiques de l’industrie agroalimen­taire écoeurent. Ils dénoncent les méfaits d’une société qui mange trop, trop mal, et que l’ivresse du gain rend aveugle. Si les producteur­s ne se livraient pas à la démesure, si la viande au rabais n’existait pas, si la nécessité de manger quotidienn­ement un morceau de protéine animale était balayée, les végans sans doute n’existeraie­nt pas. Ces révoltés nourris au soja vous cassent les pieds? Ce qui devrait être plus exaspérant, c’est qu’il faille, comme à Bâle, passer par une votation pour introduire ne serait-ce qu’un menu sans viande dans les cantines.

Les végans agacent, mais les pratiques de l’industrie agroalimen­taire écoeurent

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