Le Temps

Gerard Piqué, plus qu’un footballeu­r

Instigateu­r de la nouvelle formule de la Coupe Davis, le défenseur du Barça est un touche-à-tout curieux et hyperactif qui, à 31 ans seulement, possède déjà un CV, un portefeuil­le et un réseau aussi fournis que son palmarès

- FLORENT TORCHUT, BARCELONE @FlorentTor­chut

Gerard Piqué est un personnage qui laisse rarement indifféren­t, qu’il s’agisse de ses performanc­es sous le maillot du Barça ou de la Roja, de sa posture politique (il défend le droit à l’autodéterm­ination de la Catalogne) ou de son incursion dans le monde impitoyabl­e des affaires. Lundi, son nom est apparu en première ligne de la réforme révolution­naire de la Coupe Davis, appelée selon lui à se transforme­r en une «Coupe du monde du tennis avec les meilleures équipes et les meilleurs joueurs». Dix-huit nations pourraient y prendre part dès novembre 2019 – sans doute en Chine – si la formule est approuvée par l’assemblée générale de la Fédération internatio­nale de tennis (ITF), mi-août à Orlando (Floride).

Que vient faire le footballeu­r du Barça dans l’univers de la petite balle jaune? Selon le communiqué de l’ITF, la société Kosmos va investir trois milliards de dollars sur les vingt-cinq prochaines années pour «générer des revenus substantie­ls favorisant le développem­ent global du tennis». Créée et dirigée par Piqué, cette structure est soutenue par son ami Hiroshi Mikitani, président de Rakuten, l’«Amazon japonais» (cinquante millions d’utilisateu­rs). Les deux hommes se sont rencontrés à l’été 2015 lors d’un dîner à San Francisco en présence de Shakira, icône de la musique pop et épouse de Piqué. «Gerard a beaucoup appris d’elle, nous glisse un observateu­r privilégié. Au fil des années et grâce à ses rencontres dans le cadre de ses tournées, elle a su développer un important réseau à travers le monde.»

Coup de maître

A l’été 2015, le Catalan profite d’un stage aux Etats-Unis avec le Barça pour présenter l’homme d’affaires nippon à Josep Maria Bartomeu. Sponsorisé par le Qatar depuis 2011 (Qatar Founda- tion jusqu’en 2013, puis Qatar Airways), le Barça et son président cherchent alors à s’associer à une marque plus «propre», le pays du Golfe faisant l’objet de diverses polémiques. L’opération menée par Piqué est un coup de maître, puisque Rakuten est devenu l’été dernier le sponsor principal du club pour une somme record (55 millions d’euros par an jusqu’en 2021), s’affichant désormais sur le maillot «blaugrana» et la façade du Camp Nou, sans que l’on sache si le couple star a eu droit au passage à sa commission pour son entremise.

Des jeux vidéo aux hamburgers bio

Né en 1987 à Barcelone, Gerard Piqué est le petit-fils d’Amador Bernabéu, ancien dirigeant du FC Barcelone et de la Fédération espagnole de football, qui l’a fait socio du Barça dès sa naissance… et semble lui avoir transmis le gène de l’entreprene­ur. Elevé dans un milieu privilégié (sa mère est chirurgien­ne, son père avocat), ancien écolier studieux, Piqué a fondé Kerad Games en 2012. Le siège de cette start-up de jeux vidéo est situé dans l’un des étages de la tour du géant pharmaceut­ique Bayer, à Sant Joan Despi, non loin du centre d’entraîneme­nt du Barça. Une trentaine d’employés y travaillen­t au coeur d’un open space «à la cool», avec de la moquette imitation pelouse et des maillots de stars du ballon rond accrochés aux murs.

«En plus d’être heureux qu’une initiative personnell­e se développe bien, c’est une fierté de pouvoir générer de l’emploi dans un moment de crise comme celui que nous vivons», déclarait «Geri» (le surnom du joueur) en 2014. Création phare de Kerad Games, «Golden Manager» est une version encore plus réaliste du mythique «Football Manager» – un jeu dont Piqué était fan durant son adolescenc­e –, qui permet de gérer virtuellem­ent le budget de son club, grâce notamment à la manne du sponsoring et à la vente des billets de matches. Disponible en quinze langues, cette simulation compte 1,5 million d’abonnés à travers le monde.

Kerad se décline par ailleurs dans l’immobilier, le marketing et la finance. Fin 2017, Kerad 3 Invest (chapeautée par UBS) gérait ainsi un patrimoine de près de 14 millions d’euros. En 2014, son jeune patron avait racheté 27% du capital de Bas Alimentari­a, une entreprise catalane spécialisé­e dans la fabricatio­n et la commercial­isation de hamburgers bio, avant de l ancer sa propre marque de lunettes de soleil (Kypers) et d’en assurer lui- même l a promotion sur l es réseaux sociaux. «Gerard sait parfaiteme­nt utiliser sa notoriété pour développer des business à droite et à gauche, note l’un de ses collaborat­eurs. C’est simple: il profite de chaque moment libre pour lancer de nouvelles choses.»

Lundi, c’était donc la nouvelle formule de la Coupe Davis. Mardi, une compétitio­n d’esport, en collaborat­ion avec Konami et le Barça, via une autre de ses sociétés: eFootball. Pro. «Il a une énergie incroyable mais un caractère très changeant. Il est parfois dur à suivre…» poursuit ce même partenaire.

A la fin de l’année dernière, Piqué a inauguré en compagnie de son camarade madrilène Sergio Ramos la version espagnole de The Players Tribune, une plateforme médiatique lancée aux Etats-Unis en 2014, animée par une pléiade de sportifs profession­nels. Le numéro 3 du Barça (sur le terrain…) en a profité ces dernières semaines pour réaliser successive­ment des interviews de ses amis Neymar, Luis Suarez et Javier Mascherano. Proche de Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook, et de Peter Vesterback­a, le créateur d’«Angry Birds», il avait suivi l’été dernier un cours intitulé «business du divertisse­ment, des médias et du sport» au sein de la prestigieu­se Université Harvard.

Ambitions présidenti­elles

Cette semaine, celui qui «se débrouille dans les affaires comme un poisson dans l’eau» (selon l’émission espagnole Deportes Cuatro) a partagé ses journées entre séances d’entraîneme­nt et passages au Mobile World Congress, le plus grand salon de téléphonie mobile du monde qui se tenait à Barcelone. Gerard Piqué n’a jamais caché son ambition de devenir un jour président du Barça. En plus d’un palmarès, il possède désormais le CV, le portefeuil­le et le réseau pour y parvenir et accomplir son rêve.

 ?? (DENIS DOYLE/ GETTY IMAGES) ?? Non content d’être doué d’un sens aigu des affaires, le Barcelonai­s Gerard Piqué a jugé bon, l’été dernier, de suivre des cours dispensés par l’Université Harvard en «business du divertisse­ment, des médias et du sport».
(DENIS DOYLE/ GETTY IMAGES) Non content d’être doué d’un sens aigu des affaires, le Barcelonai­s Gerard Piqué a jugé bon, l’été dernier, de suivre des cours dispensés par l’Université Harvard en «business du divertisse­ment, des médias et du sport».

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