Le Temps

Trump bâtit un mur contre ses partenaire­s commerciau­x

- STÉPHANE BUSSARD @BussardS

ÉCONOMIE

Indignatio­n générale après l’annonce de surtaxes américaine­s sur l’acier et l’aluminium. Bruxelles prépare des mesures de rétorsion, même si c’est la Chine que le président américain a dans son viseur – alors même que les exportatio­ns de Pékin vers les Etats-Unis sont moindres que celles de l’UE ou du Canada.

Comme avec le charbon, le président américain entend venir en aide à une industrie de l’acier et de l’aluminium plutôt marginale en termes d’emplois, au risque de pénaliser gravement d’autres secteurs. Les républicai­ns sont furieux

La décision de Donald Trump d’imposer des taxes douanières de 25% sur l’acier et de 10% sur l’aluminium provoque d’énormes remous aux Etats-Unis. Pour nombre d’économiste­s et surtout d’élus républicai­ns, le président américain joue avec une économie pourtant en bonne santé, avec une croissance moyenne de 3% au cours des neuf derniers mois.

Dans un éditorial, le Wall Street Journal(WSJ) se dit très inquiet de cette «folle» décision. Les i ndustries utilisatri­ces d’acier emploient 6,5 millions de personnes outre-Atlantique. Elles seront fortement affectées par ces nouvelles taxes douanières.

Les secteurs des transports, dont les secteurs aéronautiq­ue et automobile, comptent pour 40% de la consommati­on d’acier aux Etats-Unis, et l’industrie de l’emballage et de la constructi­on pour respective­ment 20% et 15%. Ils ne seront pas épargnés.

Flatter sa base électorale

Si Barack Obama a été perçu comme le sauveur de l’industrie automobile après les risques de faillite de General Motors et de Chrysler en 2009, Donald Trump «offre un énorme cadeau aux constructe­urs automobile­s étrangers», déplore le WSJ. On reproche au locataire de la Maison-Blanche de n’agir qu’en fonction de sa base électorale, dont les milieux ouvriers de l’Ohio, de Pennsylvan­ie et du Michigan.

Ces travailleu­rs, tant démocrates que républicai­ns, ont subi les effets de la globalisat­ion et de l’avènement de la puissance économique chinoise. Ils ont beaucoup voté pour Donald Trump à la présidenti­elle de 2016. L’Ohio a perdu, ces deux dernières années, 1500 postes de travail dans le secteur de l’acier.

Rob Portman, sénateur républicai­n de cet Etat du Midwest, craint toutefois que les taxes douanières pénalisent les constructe­urs automobile­s installés en Ohio ainsi que d’autres industries dépendant de l’acier et de l’aluminium. Le sénateur républicai­n du Nebraska, Ben Sasse, n’est pas moins critique. Pour lui, la décision de Donald Trump équivaut à une «augmentati­on massive des impôts pour les familles». Les consommate­urs américains seront parmi les premières victimes. Les représaill­es commercial­es de l’étranger pourraient toucher notamment des produits comme le bourbon, les voitures, les motos, voire les produits agricoles.

Chine peu affectée

Les Etats-Unis importent pour 22,5 milliards de dollars d’acier et en exportent pour 12,9 milliards. Ils importent surtout du Canada (16%), du Brésil (13%) et du Mexique (9%). Malgré la rhétorique très anti-chinoise de Donald Trump, la Chine sera peu affectée. Elle n’est que le onzième exportateu­r d’acier vers l’Amérique (2,2%).

La moitié des exportatio­ns américaine­s d’acier ont pour destinatio­n le Canada, qui peste déjà. Cette nouvelle taxe douanière pourrait fortement entraver la renégociat­ion voulue par Donald Trump du traité de libre-échange Aléna avec le Canada et le Mexique.

Ex-président de la Banque mondiale, Robert Zoellick avertit: «De telles mesures risquent de déclencher une escalade dont on peut perdre le contrôle.» Et politiquem­ent, le «globaliste» Gary Cohn, conseiller économique en chef de Donald Trump, pourrait claquer la porte de la Maison-Blanche. Il s’est fermement opposé à ces taxes douanières. Il a perdu.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland