Le Temps

LA VRAIE MAISON-LANCHE, PLUS FORTE QUE LA FICTION

Limogeages, trahisons, guerres des clans et rumeurs les plus folles hantent la résidence-bureau de Donald Trump. Ou quand la réalité dépasse la fiction

- PAR VALÉRIE DE GRAFFENRIE­D, NEW YORK @VdeGraffen­ried

Le meilleur des scénariste­s n’aurait pas imaginé mieux. Ou alors il aurait probableme­nt été accusé d’en faire un peu trop. La vie à la Maison-Blanche sous la présidence Trump a tous les ingrédient­s de ce qui fait une bonne série TV ou émission de téléréalit­é. Ambiance délétère, fuites, guerre des clans, intrigues, trahisons, l i mogeages en chaîne, couacs de communicat­ion, et même un (ex-)porte-parole qui se cache dans les buissons: les premiers mois de Donald Trump comme président des Etats-Unis ont été très animés du côté du vaste loft de Washington. Et puis vinrent les scandales sexuels.

LES TÊTES VALSENT

Régulièrem­ent accusé de propos sexistes et soupçonné de liaisons extraconju­gales, Donald Trump est aujourd’hui rattrapé par Stormy Daniels, une star du X. Le

New York Times assure que l’avocat-conseil du président lui aurait versé 130000 dollars de sa poche pour qu’elle se taise à propos d’une relation qu’elle aurait eue avec le milliardai­re en 2006. La Maison-Blanche est également empêtrée dans des affaires de violences conjugales: deux collaborat­eurs, accusés de violences domestique­s

par l eurs ex- femmes, ont dû prendre la porte tout récemment. La communicat­ion autour de cette affaire a été catastroph­ique. Pas étonnant si l’on sait que la directrice de la communicat­ion de la Maison-Blanche, Hope Hicks, a apparemmen­t un petit faible – réciproque – pour l’un des deux hommes, Rob Porter.

Les têtes valsent, donc. Ces deux départs s’ajoutent à une série de limogeages-démissions qui donne le tournis. Hope Hicks vient justement, à son tour, de claquer la porte cette semaine. D’autres pourraient bien la suivre. Le limogeage le plus marquant est sans conteste celui du controvers­é Steve Bannon, incarnatio­n de l’Alt- right américaine. Ex-conseiller stratégiqu­e de Donald Trump, l e Dark Va d o r d e l a Mai - son-Blanche est passé du statut d’éminence grise tireur de ficelles à celui de paria. Du coup, tombé de son piédestal, il se venge. Il a notamment raconté certaines anecdotes à Michael Wolff, l’auteur du livre Fire and Fury, rapidement en rupture de stock, où l’on apprend par exemple que Donald Trump mange souvent des cheeseburg­ers dans son lit et interdit que l’on touche à sa brosse à dents, car il a une peur bleue d’être empoisonné.

L’ÉPISODE SCARAMUCCI

Dans cette galaxie mouvante est apparu un personnage très hollywoodi­en – ou devrait-on plutôt dire digne de l a commedia dell’arte?: Anthony Scaramucci, surnommé «The Mooch». Arriviste, il a tout fait pour être engagé

La vie à la MaisonBlan­che sous la présidence Trump a les ingrédient­s d’une bonne série

par Donald Trump et il a réussi. Mais l’ex-loup de Wall Street aux cheveux gominés n’est resté directeur de la communicat­ion que dix jours, un ego trip bien éphémère. Il rêve aujourd’hui d’une carrière à la télévision.

Le casting de tout ce petit monde se côtoyant de gré ou de force à la Maison-Blanche aurait de quoi faire pâlir le meilleur des dénicheurs de talents. Un président mégalo-parano dont personne ne parvient à freiner la twitto-addiction, le couple fusionnel Javanka (Jared Kushner et Ivanka Trump), Eric et Donald Jr Trump, les deux frères dépeints comme pas très malins et souvent comparés à Beavis et Butt-Head, deux personnage­s d’un dessin animé totalement immatures: voilà déjà de quoi se divertir. Et puis, il y a la First Lady, «Melanomia» Trump, l e sphinx sl ovène. Ajoutons l’argent – le cabinet du président est souvent comparé à un «club de multimilli­onnaires» – et le psychodram­e autour de l’affaire de l’ingérence russe dans la présidenti­elle américaine – le procureur spécial Robert Mueller se rapproche toujours plus de Trump et de son entourage –, et voilà la parfaite dose de dramatisat­ion et suspense insoutenab­le pour donner envie de découvrir la prochaine saison.

Et puis, il y a le rôle du secrétaire général, John Kelly. Ou chief of

staff, dénominati­on qui claque davantage. Un personnage souvent central dans les séries télévisées sur la Maison-Blanche. John Kelly, ex-général au visage austère, droit dans ses bottes, a été engagé, après le limogeage de son prédécesse­ur, pour «dissiper le chaos à la Maison-Blanche». Ces jours, il a plus que jamais le sentiment de jouer dans un mauvais film. Le siège éjectable sur lequel il se trouve, comme tous les proches du président, aurait tendance à trembler assez fort. John Kelly était au courant des accusation­s de violences conjugales portées à l ’e ncontre de Rob Porter au moment de l’engagement de ce dernier. Mais il a fermé les yeux. Quand l’affaire a éclaté, l’ancien Marine qui a combattu en Irak et perdu un fils en Afghanista­n, a proposé sa démission. Mais il reste pour l’instant en place. Jusqu’à quand? Comme dans toutes les bonnes séries, cet épisode- là pourrait encore donner lieu à de nombreux rebondisse­ments.

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