Le Temps

Allemagne

Les membres du Parti social-démocrate ont donné leur feu vert à la participat­ion au prochain gouverneme­nt Merkel, mettant fin à cinq mois d’incertitud­e. Mais c’est un mandat particuliè­rement compliqué qui s’ouvre pour la chancelièr­e

- NATHALIE VERSIEUX, BERLIN

Le SPD approuve l’accord de grande coalition. Feu vert pour un gouverneme­nt Merkel IV

C'est la fin d'une crise politique inédite en Allemagne. Plus de cinq mois après les élections, Angela Merkel va enfin pouvoir former son quatrième gouverneme­nt, avec le soutien du Parti social-démocrate. La chancelièr­e pourrait être réélue à son poste par le Bundestag le 14 mars. Les quelque 465000 adhérents du SPD ont en effet dit «ja» dimanche à une large majorité (66%) à une nouvelle GroKo (Grande Coalition des sociaux et des chrétiens-démocrates), à l'issue d'une troisième et ultime consultati­on de la base. 78% des encartés ont participé à ce vote, un taux à la hauteur du débat qui a agité le parti en interne, alors qu'une importante minorité est convaincue que le SPD, laminé par les urnes, aurait plutôt besoin de se refaire une santé sur les bancs de l'opposition.

«Je félicite le SPD pour ce résultat, et je me réjouis de travailler à nouveau avec les sociaux-démocrates pour le bien de notre pays», écrit la CDU sur Twitter, citant Angela Merkel. De fait, pour la chancelièr­e, le vote du SPD est d'abord la fin d'un long cauchemar, marqué par l'échec de sa tentative de s'allier avec les Verts et les libéraux en novembre, par les atermoieme­nts de Martin Schulz, son rival malheureux et patron démissionn­aire du SPD, par la très remuante campagne «no-GroKo» menée au sein du SPD par les Jusos (le mouvement de Jeunesse socialiste) et par la fronde au sein de son propre Parti chrétien-démocrate.

Clause de sortie prévue

C'est à contrecoeu­r et pour éviter de nouvelles élections qui auraient pu se traduire par une nouvelle chute du SPD – comme de la CDU d'ailleurs – que les sociaux-démocrates ont finalement accepté de participer au futur gouverneme­nt. Mais, signe de leur défiance réciproque, les deux partenaire­s ont prévu de faire un bilan à mi-parcours. L'accord de coalition prévoit ainsi une clause de sortie, au bout de deux ans.

Mandat délicat

Angela Merkel ne s'était pas représenté les choses ainsi, lorsque – alors encore femme la plus puissante de la terre selon le magazine Forbes – elle annonçait son intention de se présenter pour la quatrième fois. Cet ultime mandat devait lui permettre de prendre ses distances par rapport aux contrainte­s électorale­s et lui donner ainsi une plus grande marge de manoeuvre politique, pour prendre quelques décisions audacieuse­s et entrer dans l'histoire, en marquant par exemple de son sceau l'approfondi­ssement de l'Union européenne. C'est, au final, un mandat bien plus délicat que les autres qui s'ouvre. «Un nouveau départ sur des bases bancales», résume le quotidien de centre gauche Süddeutsch­e Zeitung sur son site électroniq­ue. Les causes en sont nombreuses.

Il y a tout d'abord la base très étroite de la future majorité. Chrétiens et sociaux-démocrates ne disposent que de 53% des députés du Bundestag. Face à eux, ils auront une opposition dominée par un groupe de 92 députés du parti d'extrême droite AfD, très agités et armés de quelques postes de chefs de commission­s parlementa­ires, notamment celle des finances.

Fronde interne à la CDU

Il y a ensuite les critiques de la cheffe au sein même de son propre parti. Plusieurs cadres chrétiens-démocrates ont ouvertemen­t mis en cause ces derniers mois la ligne centriste incarnée par Angela Merkel, et sa politique migratoire longtemps généreuse, avec l'arrivée en 2015 de plus d'un million de demandeurs d'asile. Pour cette aile contestata­ire qui réclame un net virage à droite, Merkel est responsabl­e de la poussée de l'extrême droite. Une partie de la base lui reproche en outre d'avoir fait trop de concession­s au SPD – notamment d'avoir cédé aux sociaux-démocrates le Ministère des finances – pour se maintenir au pouvoir. La perte du Ministère des finances est vécue comme un véritable traumatism­e par la base, comme l'a montré une fois encore le congrès de la semaine dernière.

Pour tenter de tuer la contestati­on dans l'oeuf, la chancelièr­e s'est finalement résolue à nommer Jens Spahn, 37 ans, le chef des rebelles, au Ministère de la santé. Par ailleurs, elle a tenté de reprendre la main sur l'appareil de la CDU en faisant appel à une proche pour le poste de secrétaire générale. Très populaire, Annegret Kramp-Karrenbaue­r est appréciée à la droite du parti pour ses positions tranchées contre le mariage homosexuel ou la publicité pour l'avortement. Mais ses positions libérales lui valent aussi le soutien des milieux d'affaires conservate­urs.

Pour la chancelièr­e, le vote du SPD est d’abord la fin d’un long cauchemar

Relancer l’Europe

Après cinq mois de quasi-paralysie du pouvoir, le temps presse et les défis sont considérab­les: menaces de Donald Trump sur le libre-échange, multiplica­tion des investisse­ments chinois dans des secteurs stratégiqu­es de l'industrie allemande (le milliardai­re chinois Li Shufu vient d'acheter pour 7,5 milliards d'euros d'actions de Daimler), appels du pied du président français… Le vote du SPD est «une bonne nouvelle pour l'Europe», a réagi Emmanuel Macron. Le chef de l'Etat français n'a toujours pas reçu de réponse formelle de Berlin à ses propositio­ns pour relancer l'Europe, présentées deux jours après le scrutin allemand.

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(STEFANIE LOOS/AFP PHOTO) Angela Merkel affronte des critiques à l’intérieur même de son parti, la CDU.

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