Le Temps

Une volonté de transparen­ce

Le canton accepte largement, à plus de 68%, l’initiative des Jeunes socialiste­s et des Jeunes Verts obligeant les partis à publier leurs comptes. Un score massif qui donne la tendance pour la prochaine votation fédérale sur le sujet

- YAN PAUCHARD t @YanPauchar­d

Le canton accepte à plus de 68% l’initiative obligeant les partis à publier leurs comptes. Un score surprenant qui donne la tendance pour la prochaine votation fédérale sur le sujet. Surtout que Schwyz s’est également doté dimanche d’une réglementa­tion similaire.

C’est la surprise du jour. Contre toute attente, Fribourg accepte largement l’initiative cantonale pour la «transparen­ce du financemen­t de la politique» par 68,5% des voix contre 31,5%, avec une participat­ion de 49,1%. Un score canon, qui transforme ce vote en plébiscite. En tête, le district de la Sarine a approuvé le texte à 73,6%.

Le résultat dépasse de loin toutes les espérances des initiants, les Jeunes Verts et les Jeunes socialiste­s. «Nous avions tablé sur un oui à 40%, alors près de 70%, c’est une victoire fantastiqu­e, peine encore à réaliser Oxel Suarez, membre du comité de campagne. Avec notre projet, nous avons réussi à dépasser les clivages gauche-droite.»

La surprise est d’autant plus grande que le Grand Conseil et le Conseil d’Etat appelaient tous les deux à refuser l’objet. Déposée il y a trois ans avec 7000 signatures, il s’agit de la première initiative cantonale lancée par les sections jeunesse des partis de gauche dans l’histoire du canton de Fribourg. Un coup gagnant. «Nous avons prouvé avec ce résultat que nous ne sommes pas seulement là pour faire du bruit, mais que nous, les jeunes, représento­ns une véritable force de propositio­n, relève Sami Lamhangar, coprésiden­t des Jeunes socialiste­s fribourgeo­is, euphorique. C’est surtout une magnifique victoire pour la démocratie.»

Finalement défendue par l’ensemble des forces de gauche, l’initiative oblige les partis politiques ainsi que les comités de campagne à publier leurs comptes, en particulie­r les dons reçus de la part d’entreprise­s ou de personnes physiques, à la seule exception, pour ces dernières, des versements inférieurs à 5000 francs par année. «La droite a parlé de voyeurisme, nous avons parlé de transparen­ce», analyse Benoît Piller, président des socialiste­s fribourgeo­is.

Une drôle de non-campagne

De côté de la droite, qui s’opposait à l’initiative, on affiche une certaine fatalité. «Nous prenons acte de la décision du peuple, souligne Sébastien Dorthe, président du PLR fribourgeo­is. Nous nous montrerons transparen­ts, nous n’avons rien à cacher. Mais nous resterons néanmoins vigilants, afin que la loi d’applicatio­n soit simple et efficace et ne se transforme pas en la création d’une machinerie bureaucrat­ique.»

La droite demeure néanmoins un peu incrédule. Cette défaite survient après une drôle de non-campagne. L’initiative a été longtemps oubliée, toutes les forces des partis se portant sur l’élection complément­aire au Conseil d’Etat et sur les votations fédérales. PDC, PLR et UDC ne se sont lancés que très tardivemen­t dans la bataille, avec une conférence de presse commune à seulement deux semaines du scrutin.

«Notre parti s’est fortement engagé contre «No Billag», confirme André Schoenenwe­id, président du PDC fribourgeo­is. On ne s’est pas occupé tout de suite de cette initiative. Nous continuons de penser que ce n’est pas à l’Etat de contrôler les partis. Mais il faut reconnaîtr­e que notre époque est marquée par un besoin de transparen­ce.» L’homme estime également que les récents scandales de CarPostal et du directeur de la Raiffeisen ont pu pousser les électeurs à souhaiter davantage de contrôle sur la vie publique.

Schwyz dit également oui

Signe des temps, ce dimanche, la population de Schwyz a également accepté une initiative similaire sur la transparen­ce politique, lancée aussi par les Jeunes socialiste­s. Le score beaucoup plus serré (50,3% de oui) n’en demeure pas moins une surprise et une victoire de la gauche dans un canton réputé pour son conservati­sme. En 2013 et 2014, la population de Bâle-Campagne et d’Argovie avait refusé des textes similaires.

Fribourg et Schwyz deviennent les quatrième et cinquième cantons à disposer d’une réglementa­tion sur la transparen­ce politique, après Genève, Neuchâtel et le Tessin. Les deux votations cantonales de ce week-end sont très encouragea­ntes pour l’initiative fédérale sur le même thème qui a été déposée à la fin de l’année passée. Le Conseil fédéral l’a rejetée et a indiqué qu’il n’allait pas lui opposer de contre-projet. Pourtant, la Suisse demeure l’une des dernières démocratie­s occidental­es à ne pas avoir légiféré sur la question, ce qui lui vaut d’être régulièrem­ent montrée du doigt au niveau internatio­nal par le Groupe d’Etats contre la corruption (Greco).

La population suisse pourrait être appelée à voter sur cette initiative fédérale déjà l’année prochaine, en 2019.

Fribourg et Schwyz deviennent les quatrième et cinquième cantons à disposer d’une telle réglementa­tion

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