Le Temps

Des lauriers ternis par l’affaire CarPostal

L’échec de l’initiative «No Billag» est le quatorzièm­e succès de Doris Leuthard sur les seize scrutins dont elle a eu la responsabi­lité depuis 2006. Le moment serait idéal pour tirer sa révérence. Mais il y a l’affaire des bus jaunes…

- BERNARD WUTHRICH, BERNE @BdWuthrich

Quatorze victoires pour seize scrutins, ou quinze sur dix-sept si l’on ajoute l’initiative populaire «Vache à lait», un dossier qu’elle a copiloté avec le Départemen­t fédéral des finances. Le bilan de Doris Leuthard est impression­nant. Et le moment serait idéal pour quitter le gouverneme­nt, reconnaît-on dans tous les partis, le sien inclus. Seulement voilà: il y a l’affaire CarPostal. «Elle ne peut pas donner le sentiment qu’elle s’en désintéres­se», glisse une source au PDC. Sans l’éclatement de ce scandale, Doris Leuthard aurait tranquille­ment pu annoncer ces prochains jours son intention de quitter le gouverneme­nt, où elle siège depuis 2006, à fin juin.

Mais elle doit désormais assumer les rendez-vous que le parlement lui a fixés. Le premier ce lundi: elle doit répondre à une salve de dix questions au Conseil national. Guillaume Barazzone (PDC/GE) s’inquiète spécifique­ment du déploiemen­t de CarPostal en France. Le second la semaine prochaine: un débat urgent a été agendé dans cette même Chambre du peuple le mercredi 14 mars. Entre ces deux dates, La Poste présente jeudi 8 mars ses résultats annuels 2017. Il paraît superflu de préciser que les comptes de l’ensemble du groupe et ceux de la division CarPostal seront passés au scanner par l’ensemble du monde politique. Tout laisse à penser que cette affaire a chamboulé le calendrier qu’elle s’était fixé. Doris Leuthard a reconnu elle-même dimanche soir que ce dossier exigeait des réponses politiques.

Les grandes réformes sont sous toit

Mais cela ne veut pas dire que Doris Leuthard ne se retirera pas dans le courant de l’année. Avec le vote de dimanche, elle a refermé un chapitre important de sa carrière. Les grandes réformes sont sous toit: le fonds ferroviair­e et le fonds routier constituen­t les bases du financemen­t durable des infrastruc­tures de mobilité, le remplaceme­nt progressif du nucléaire par des ressources renouvelab­les est acté, la nouvelle législatio­n radio-TV se trouve confortée par le rejet de «No Billag», la nouvelle loi sur l’aménagemen­t du territoire fixe des règles valables sur l’ensemble du pays.

Certains de ces combats l’ont obligée à livrer une dure bataille politique, en particulie­r la loi radio-TV et le doublement du tunnel routier du Gothard. Elle n’a jamais ménagé ses efforts pour convaincre la population du bienfondé des projets qu’elle lui présentait. Elle s’est montrée si convaincan­te que certains, non sans ironie, disent qu’elle aurait pu, si elle en avait eu la responsabi­lité, gagner les votes sur le Gripen ou la troisième réforme de l’imposition des entreprise­s, deux dossiers qui dépendaien­t du nettement moins charismati­que Ueli Maurer.

Un horizon moins chargé

Sa carrière n’est finalement entachée que par deux accrocs: l’initiative Weber contre les résidences secondaire­s en 2012 et l’augmentati­on de la vignette autoroutiè­re à 100 francs en 2013. Elle n’a rien pu faire contre la lame de fond qui a emporté la politique immobilièr­e des régions alpines. Et le bond important demandé aux automobili­stes a échoué parce qu’ils n’y trouvaient pas leur compte, faute d’un nombre suffisant de nouveaux projets convaincan­ts.

Certes, elle va encore ouvrir de nouveaux chantiers ces prochaines semaines, comme la loi sur les médias électroniq­ues ou la redevance sur les véhicules électrique­s, deux projets qui seront mis en consultati­on en juin. Mais elle sait parfaiteme­nt qu’elle ne les mènera pas à leur terme. Par ailleurs, si elle a multiplié les votations populaires depuis qu’elle a repris le Départemen­t des infrastruc­tures – onze depuis 2012! –, son horizon est moins chargé. Deux initiative­s relevant de son départemen­t seront sans doute soumises au peuple l’an prochain: la lutte contre le mitage du territoire et la promotion du vélo. Mais cela ne devrait pas exercer d’influence majeure sur sa décision. S’il subsiste un doute sur le moment de son départ, celui-ci paraît tout de même relativeme­nt proche. A bientôt 55 ans, on lui prédit une nouvelle carrière dans le privé. Toutefois, à la lumière des derniers développem­ents de l’affaire Pierin Vincenz, la perspectiv­e de la voir accéder à la présidence du groupe Raiffeisen, évoquée par un média alémanique, semble perdre de sa consistanc­e.

Des hommes presque sexagénair­es

Le PDC ne pipe mot à ce sujet, mais il se prépare. Plusieurs noms ont déjà circulé pour sa succession: le président du parti, Gerhard Pfister (ZG, 55 ans), les conseiller­s aux Etats Pirmin Bischof (SO, 59 ans), Stefan Engler (GR, 57 ans), Erich Ettlin (OW, 55 ans) et Konrad Graber (LU, 59 ans). Le chancelier de la Confédérat­ion, Walter Thurnherr (AG, 54 ans), dont on a également parlé, a fait savoir à plusieurs reprises qu’il était très heureux dans sa fonction de huitième conseiller fédéral et n’ambitionna­it pas de devenir l’un des sept premiers.

Et les femmes? Deux noms sont évoqués. Celui de la Haut-Valaisanne Viola Amherd, 55 ans, vice-présidente du groupe parlementa­ire. Son travail au parlement et en commission est unanimemen­t salué. Simonetta Sommaruga, qui se retrouvera­it seule femme au gouverneme­nt si Doris Leuthard était remplacée par un homme et si Johann Schneider-Ammann ne se décidait pas à partir en même temps qu’elle, semble l’apprécier. Mais Viola Amherd reste une personne très discrète et dispose d’un potentiel médiatique limité, ce qui est un handicap. Elle est cependant consciente qu’elle sera sollicitée ces prochains mois. L’autre femme qui pourrait figurer sur un futur ticket PDC est Elisabeth Schneider-Schneiter (BL). Agée de 54 ans, elle préside depuis peu la Commission des affaires étrangères du Conseil national et le parti fait des efforts pour la mettre en valeur. Pour l’instant, ce sont les hommes qui semblent tenir la corde. Mais ils sont tous dans la cinquantai­ne et certains tutoient la soixantain­e.

 ?? (KEYSTONE/ANTHONY ANEX) ?? Doris Leuthard après sa conférence de presse au Palais fédéral. Avec le vote de dimanche, elle a refermé un chapitre important de sa carrière, mais peut-être pas le dernier.
(KEYSTONE/ANTHONY ANEX) Doris Leuthard après sa conférence de presse au Palais fédéral. Avec le vote de dimanche, elle a refermé un chapitre important de sa carrière, mais peut-être pas le dernier.

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