Le Temps

Les initiants demeurent aux aguets

Les jeunes libéraux à l’origine du texte rejeté dans les urnes expliquent leur échec par la peur du changement. La suite est entre les mains de la SSR et du parlement, dont ils comptent observer les prochains mouvements

- CÉLINE ZÜND, ZURICH @celinezund

La peur du changement: voilà comment les initiants de «No Billag» s’expliquent la claque reçue dimanche dans les urnes, avec 72% de non à leur initiative. La surprise n’est pas totale, les derniers sondages avaient annoncé la couleur. Mais les auteurs du texte visant la suppressio­n de la redevance pour la radio et la TV, galvanisés au début de leur campagne par des sondages prometteur­s, avaient espéré un résultat plus serré.

«Les Suisses ont cédé aux peurs agitées par le camp adverse, ils ont dit non à l’incertitud­e, mais ils ne sont pas satisfaits! Le débat ne fait que commencer. On n’a toujours pas défini ce qu’est le service public», réagit l’entreprene­ur zougois Andreas Kleeb, l’une des figures de la campagne «No Billag».

«La pression populaire va revenir»

Désormais, ils avertissen­t: «Ce refus ne doit pas conduire à une sanctuaris­ation de la redevance! Ce n’est pas un plébiscite du statu quo. Nous avons eu droit à de nombreuses promesses, et nous veillerons à ce qu’elles soient appliquées, et le plus rapidement possible. Si rien ne se passe, la pression populaire va revenir. Et nous serons là pour un nouveau combat», déclare Nicolas Jutzet, président de la campagne «No Billag» en Suisse romande.

Ce refus sans appel n’est-il pas le signe qu’ils ont péché par excès? «Notre propositio­n n’était pas trop radicale, mais trop ambitieuse, rétorque le Neuchâtelo­is. Nous proposions un saut dans le vide. Dans le doute, la population suisse a tendance à se montrer prudente, elle préfère le compromis.» Aux yeux du président des Jeunes PLR neuchâtelo­is, ce résultat indique que les Suisses «préfèrent placer les réformes entre les mains du parlement et de la SSR, plutôt que de laisser faire le marché libre».

«Le début d’un mouvement libéral»

Les initiant n’admettent pas non plus avoir échoué à présenter une alternativ­e crédible à la redevance. «Dans une économie planifiée, il y a évidemment toujours un plan clair. Dans un marché vraiment libre, c’est impossible de totalement anticiper l’avenir. Un plan n’est qu’une possibilit­é parmi d’autres. C’est aux individus de décider», rétorque Florian Maier, jeune PLR zurichois, secrétaire général du comité «No Billag».

Les initiants ne s’avouent pas vaincus et se raccrochen­t à l’idée d’avoir «brisé un tabou» et engagé un débat sur les réformes au sein de la SSR, dont les conséquenc­es se font d’ores et déjà sentir. A commencer par la concession de Doris Leuthard au début de la campagne, avec une redevance qui passera de 450 à 365 francs dès 2019. Et l’annonce de Gilles marchand, qui s’est engagé à mener des réformes et un plan d’économies de 100 millions de francs.

Exemption de la redevance pour les entreprise­s

Les jeunes adversaire­s de la redevance s’en remettent désormais au parlement et comptent poursuivre leur combat d’influence en coulisses. «Cette initiative n’est que le début d’un mouvement de fond pour contrer les tendances étatiques. Les forces libérales s’érodent depuis vingt ans. Si cela continue, notre pays ressembler­a bientôt à la France, avec un Etat omniprésen­t et une économie à terre», ajoute Florian Maier.

Parmi les propositio­ns de réformes qui ont émergé pendant la campagne, celles de l’UDC et du PLR ont les faveurs des libéraux à l’origine de «No Billag». Les deux partis défendent une exemption de la redevance pour les entreprise­s et le maintien d’une interdicti­on de la publicité en ligne. L’UDC a aussi déposé une initiative parlementa­ire pour une redevance à 300 francs.

Eux qui voulaient supprimer toute forme de financemen­t public des médias, ils redoutent de voir le mouvement inverse se produire: «On entend déjà des propositio­ns pour subvention­ner davantage l’ensemble des médias. Tout sauf cela! Ce serait un affaibliss­ement de l’indépendan­ce de la presse», dit la représenta­nte genevoise de «No Billag», Louise Morand.

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