Xi et Mohammed ben Salmane: même combat!
Il y a quelques années, j’avais mentionné dans les colonnes du Temps le besoin de porter une attention particulière à l’avenir de deux personnalités: Xi Jinping d’un côté et Mohammed ben Salmane de l’autre. A priori, rien de commun entre ces deux individus, représentatifs de deux systèmes diamétralement opposés. Et pourtant, plus les mois passent et plus les événements se succèdent, plus leurs parcours semblent se rapprocher.
Il y a d’abord l’accumulation de pouvoir. Du côté saoudien, le prince héritier (MBS) n’a pas cessé d’engranger les prérogatives en écartant toute contestation au sein des cercles du pouvoir royal depuis 24 mois. Xi Jinping vient quant à lui d’ouvrir la voie à son maintien aux plus hautes fonctions, au-delà des deux mandats traditionnellement de mise à la tête du Parti communiste chinois.
Dans cette marche inexorable à la pleine autorité, ces deux individus n’ont pas hésité à recourir à l’arme de la lutte anti-corruption pour éliminer des adversaires. Dans ce combat, tant Xi que MBS se sont attaqués aux plus hautes institutions locales, qu’il s’agisse des militaires dans le cas chinois ou des princes de sang dans le cas saoudien. C’est dire si c’est le coeur même des pouvoirs traditionnels qui est en ligne de mire.
Certes, assurer le changement de manière durable peut être à ce prix mais la déstabilisation des institutions historiques peut aussi être porteuse d’un double danger. Celui de s’enfermer dans une logique hermétique à toute idée différente d’une part ou provoquer une réaction violente de la part des personnes «victimes» des coups de boutoir d’autre part.
On sait combien la réforme de «type napoléonien» peut être efficace pour mobiliser les énergies à court terme tout en portant les germes de réactions ultérieures de nature à provoquer des soubresauts. Car derrière la logique de Xi et de MBS, il y a bien une volonté de réforme importante. Trouver la solution magique pour assurer le maintien du pouvoir du Parti communiste dans une société économiquement «mue» par le marché et désireuse de passer d’une croissance tirée par l’exportation à un moteur fondé sur la consommation domestique est le défi principal de Xi. Dans le cas de MBS, le challenge est encore plus vaste au regard des ingrédients politiques, économiques et sociaux que le jeune prince essaie de modifier dans la société saoudienne.
Nous avons tendance à observer de près les déclarations de Trump, Poutine, Erdogan et consorts quand il s’agit d’apprécier les risques pour les marchés financiers. Toutefois ce qui se joue en Chine et dans le royaume saoudien n’est pas moins important à cet égard. De l’avenir de Xi et de MBS dépendent beaucoup d’interrogations, sachant que la question pétrolière, et au-delà celle plus large de l’énergie, ne peut pas être traitée sans une Arabie stable. Quant aux questions relatives à l’accumulation de dettes par la Chine depuis dix ans et la gestion des excès générés, elles ne sont pas insignifiantes pour l’économie et la finance mondiales.
Nous nous sommes habitués à Xi et Mohammed ben Salmane depuis quelques années. La force de l’habitude ne doit pas nous inciter à réduire notre vigilance à l’égard de leurs décisions et de leur capacité à éviter les affres inhérentes à une concentration excessive du pouvoir.