Le Temps

Xi et Mohammed ben Salmane: même combat!

- FRANÇOIS SAVARY PRIME PARTNERS

Il y a quelques années, j’avais mentionné dans les colonnes du Temps le besoin de porter une attention particuliè­re à l’avenir de deux personnali­tés: Xi Jinping d’un côté et Mohammed ben Salmane de l’autre. A priori, rien de commun entre ces deux individus, représenta­tifs de deux systèmes diamétrale­ment opposés. Et pourtant, plus les mois passent et plus les événements se succèdent, plus leurs parcours semblent se rapprocher.

Il y a d’abord l’accumulati­on de pouvoir. Du côté saoudien, le prince héritier (MBS) n’a pas cessé d’engranger les prérogativ­es en écartant toute contestati­on au sein des cercles du pouvoir royal depuis 24 mois. Xi Jinping vient quant à lui d’ouvrir la voie à son maintien aux plus hautes fonctions, au-delà des deux mandats traditionn­ellement de mise à la tête du Parti communiste chinois.

Dans cette marche inexorable à la pleine autorité, ces deux individus n’ont pas hésité à recourir à l’arme de la lutte anti-corruption pour éliminer des adversaire­s. Dans ce combat, tant Xi que MBS se sont attaqués aux plus hautes institutio­ns locales, qu’il s’agisse des militaires dans le cas chinois ou des princes de sang dans le cas saoudien. C’est dire si c’est le coeur même des pouvoirs traditionn­els qui est en ligne de mire.

Certes, assurer le changement de manière durable peut être à ce prix mais la déstabilis­ation des institutio­ns historique­s peut aussi être porteuse d’un double danger. Celui de s’enfermer dans une logique hermétique à toute idée différente d’une part ou provoquer une réaction violente de la part des personnes «victimes» des coups de boutoir d’autre part.

On sait combien la réforme de «type napoléonie­n» peut être efficace pour mobiliser les énergies à court terme tout en portant les germes de réactions ultérieure­s de nature à provoquer des soubresaut­s. Car derrière la logique de Xi et de MBS, il y a bien une volonté de réforme importante. Trouver la solution magique pour assurer le maintien du pouvoir du Parti communiste dans une société économique­ment «mue» par le marché et désireuse de passer d’une croissance tirée par l’exportatio­n à un moteur fondé sur la consommati­on domestique est le défi principal de Xi. Dans le cas de MBS, le challenge est encore plus vaste au regard des ingrédient­s politiques, économique­s et sociaux que le jeune prince essaie de modifier dans la société saoudienne.

Nous avons tendance à observer de près les déclaratio­ns de Trump, Poutine, Erdogan et consorts quand il s’agit d’apprécier les risques pour les marchés financiers. Toutefois ce qui se joue en Chine et dans le royaume saoudien n’est pas moins important à cet égard. De l’avenir de Xi et de MBS dépendent beaucoup d’interrogat­ions, sachant que la question pétrolière, et au-delà celle plus large de l’énergie, ne peut pas être traitée sans une Arabie stable. Quant aux questions relatives à l’accumulati­on de dettes par la Chine depuis dix ans et la gestion des excès générés, elles ne sont pas insignifia­ntes pour l’économie et la finance mondiales.

Nous nous sommes habitués à Xi et Mohammed ben Salmane depuis quelques années. La force de l’habitude ne doit pas nous inciter à réduire notre vigilance à l’égard de leurs décisions et de leur capacité à éviter les affres inhérentes à une concentrat­ion excessive du pouvoir.

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