Le Temps

Le Tribunal fédéral donne raison à Dominique Giroud contre «Temps présent»

- SYLVAIN BESSON @SylvainBes­son Arrêt 2C_125/2017

Un reportage sur les pratiques vinicoles de l’encaveur valaisan est jugé trop à charge et dénigrant. La SSR déplore la décision

Le bras de fer se poursuit entre l'encaveur valaisan Dominique Giroud et la SSR. Le vigneron vient de remporter une manche en faisant confirmer par le Tribunal fédéral la condamnati­on d'un reportage de Temps présent datant de 2015, «Affaire Giroud, du vin en eaux troubles».

Dans sa décision, obtenue par Le Temps, la haute cour estime que l'émission a violé l'article 4 de la loi fédérale sur la radio et la télévision, qui oblige à présenter fidèlement les événements. Le Tribunal fédéral confirme ainsi une décision de l'AIEP, l'autorité qui examine les plaintes en matière de radio-télévision.

L'émission diffusée sur la RTS faisait suite aux révélation­s du Temps sur le fait que Dominique Giroud était visé par une enquête pénale fédérale pour fraude fiscale. La chaîne publique avait ensuite consacré une série de reportages aux pratiques jugées douteuses du vigneron en matière de mélanges de vin.

L'affaire avait culminé en 2014 avec l'arrestatio­n à Genève de Dominique Giroud, d'un détective privé, d'un informatic­ien et d'un agent du Service de renseignem­ent de la Confédérat­ion, accusés d'avoir envoyé des virus informatiq­ues à des journalist­es du Temps et de la RTS. L'enquête s'éternise depuis quatre ans.

Dans son reportage, Temps présent avait rappelé le passé catholique intégriste de Dominique Giroud. «On ne voit pas […] en quoi l'opinion de Dominique Giroud sur l'avortement ou l'homosexual­ité aurait un quelconque lien avec le sujet du reportage, à savoir le marché suisse des vins et sa surveillan­ce», critique le Tribunal fédéral dans sa décision.

«L'impression d'ensemble donnée par le reportage est celle d'un document à charge, qui met volontaire­ment l'accent sur une personne en la présentant d'emblée et constammen­t sous un angle moralisate­ur et jugeant», assène encore la haute cour en jugeant le procédé «pas admissible venant d'un service public».

Conflit personnel

La RTS aurait aussi dû rappeler dans l'émission qu'un conflit personnel opposait Dominique Giroud à l'un de ses journalist­es, estime le TF. Ce dernier avait couvert l'affaire en utilisant des informatio­ns que lui donnait en sous-main un détective privé travaillan­t pour Dominique Giroud. Il a depuis quitté la télévision et travaille pour l'administra­tion fédérale.

C'est seulement la troisième fois en quelque cinquante ans d'existence que Temps présent est condamné de la sorte. Et aucune condamnati­on n'est jamais entrée en force, le Tribunal fédéral ou la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) ayant cassé les précédente­s décisions.

«Nous déplorons la décision du Tribunal fédéral et nous allons l'examiner dans l'optique d'un éventuel recours auprès de la CEDH», indique l'avocat de la SSR, Jamil Soussi. Qui rappelle que l'ensemble des procédures intentées par Dominique Giroud – il y en a eu quatre autres – contre le diffuseur public ont été rejetées dans le passé.

Le producteur de «Temps présent», Jean-Philippe Ceppi, estime que l'arrêt du Tribunal fédéral «est de nature à entraver le travail des journalist­es et à porter atteinte à la liberté d'informer le public».

Quant au porte-parole de Dominique Giroud, Marc Comina, il demande que la RTS prenne «des mesures à l'interne pour que de tels manquement­s ne se reproduise­nt pas».

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