Le Temps

Maison-Blanche, la valse des départs

- VALÉRIE DE GRAFFENRIE­D, NEW YORK @VdeGraffen­ried

La démission du conseiller économique de Donald Trump, Gary Cohn, s’ajoute à une liste déjà bien longue. D’autres abandons se profilent, et pas des moindres

Yates, Flynn, Bharara, Walsh, Comey, Dubke, Shaub, McFarland, Corralo, Spicer, Short, Harvey, Priebus, Scaramucci, Cohen-Watnick, Bannon, Gorka, Sifakis, Icahn, Lotter, Price, Powell, Manigault, Dearborn, Katz, McCabe, Porter, Brand, Sorensen, Raffel, Hicks et Cohn: c’est la longue liste de tous ceux qui ont déjà quitté la Maison-Blanche et l’administra­tion Trump de gré ou de force. Limogés, écartés, poussés à bout, pressés de rendre leur tablier ou épuisés de passer leur temps à colmater des brèches. Une liste qui risque bien de s’allonger.

Un départ prévisible

Le dernier à avoir claqué la porte est Gary Cohn, le conseiller économique de Donald Trump. Il a démissionn­é en réaction à la décision controvers­ée du président américain de taxer les importatio­ns d’acier et d’aluminium, décision qu’il ne cautionne pas. Ce départ n’est pas une surprise, mais il vient renforcer le camp des protection­nistes, noyau dur autour du président. Gary Cohn avait par le passé déjà affiché à plusieurs reprises sa désapproba­tion face à certains agissement­s de Donald Trump. Il avait notamment été offusqué, en août, par son attitude lors des heurts de Charlottes­ville entre suprémacis­tes blancs et antiracist­es. On parlait alors déjà d’un possible départ. Plusieurs grands patrons ont d’ailleurs quitté le conseil économique de Donald Trump à ce moment-là.

Surtout, d’autres départs pourraient se profiler. John Kelly, l’homme qui a pour mission de dissiper le chaos à la Maison-Blanche, est lui-même en difficulté. Critiqué pour avoir mal géré l’affaire Porter, du nom d’un conseiller de Donald Trump accusé de violences conjugales, le secrétaire général de la Maison-Blanche a même proposé sa démission il y a quelques jours. Il était au courant des accusation­s qui pesaient contre Rob Porter au moment où ce dernier a été engagé.

Des ministres qui vacillent

Deux ministres sont par ailleurs régulièrem­ent menacés de vaciller: le secrétaire d’Etat Rex Tillerson et le ministre de la Justice Jeff Sessions. Le premier essuie à intervalle­s réguliers des humiliatio­ns publiques de la part de Donald Trump. En automne, il était au coeur d’une polémique pour avoir prétendume­nt traité le président de «moron» (crétin) en marge d’une réunion du Pentagone. Jeff Sessions, qui a dû se récuser dans l’affaire russe, a lui aussi appris à faire le poing dans sa poche. Sa dernière humiliatio­n publique remonte à un tweet posté le 28 février. Le président y qualifiait une de ses décisions de «honteuse». Drôle de manière de laver son linge sale en public pour quelqu’un qui prétend que l’harmonie règne dans son gouverneme­nt.

Le général McMaster, son conseiller à la sécurité nationale, est également un habitué des foudres présidenti­elles. A Washington, il se murmure que son départ serait une question de jours.

Des «mensonges de convenance»

Celui de Hope Hicks, la désormais ex-directrice de communicat­ion de la Maison-Blanche, pourtant une fidèle de Donald Trump, est révélateur de la difficulté de son mandat, qui consistait essentiell­ement à masquer les guerres de clans et d’ego, et à défendre les positions d’un président imprévisib­le qui préfère souvent les partager en priorité sur Twitter. Avant d’annoncer son départ, la jeune femme a été auditionné­e pendant huit heures par le Congrès au sujet de l’ingérence russe dans la présidenti­elle américaine. Elle y a admis, raconte le New York Times, que son travail pour le président Trump, connu pour ses rapports complexes avec la vérité, l’avait parfois contrainte à s’adonner à de «pieux mensonges» ou «mensonges de convenance» (white lies). Jusqu’à ce qu’elle craque. Elle a toutefois précisé ne jamais avoir menti dans le cadre de l’«affaire russe».

Malgré les têtes qui valsent, Donald Trump continue de contester que le moindre chaos se soit infiltré à la Maison-Blanche. «Il y aura toujours des va-et-vient […]. J’ai toujours des gens que je veux changer (toujours à la recherche de perfection). Il n’y a pas de chaos, seulement une énergie fantastiqu­e.» Pas sûr que ceux qui ont quitté le navire interprète­nt les choses de la même manière. Une récente étude de la Brookings Institutio­n relève par ailleurs que le taux de départs pendant la première année de la présidence Trump est plus de trois fois supérieur à celui qu’avait connu Barack Obama pendant la même période. Et deux fois plus élevé que celui du républicai­n Ronald Reagan.

EX-CONSEILLER ÉCONOMIQUE DE DONALD TRUMP «Ce fut un honneur de servir mon pays et de mettre en place des politiques procroissa­nce favorables aux Américains»

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GARY COHN

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