Comment limiter les sources de distraction au travail. Nos offres d’emploi
Au travail, les sollicitations arrivent sans discontinuer, sans compter la multiplication des connexions privées. Selon les neurologues, être interrompu ralentit la productivité. Une fois une communication finie, le cerveau aura besoin de trois minutes pour se reconnecter.
Comment boucler un dossier alors que le téléphone sonne, les e-mails crépitent et la tentation de surfer sur les réseaux sociaux est grande? Des solutions existent heureusement pour limiter les sources de distraction et augmenter sa productivité
Douze minutes. C’est, en moyenne, le temps que nous pouvons passer à travailler sans être interrompus. Le chiffre provient d’une enquête sur «les nouveaux temps de travail» réalisée en France en 2010 par la société Sciforma, spécialisée dans la gestion de projets. Employés, cadres ou directeurs ont donc à leur disposition moins d’un quart d’heure de tranquillité pour effectuer une tâche sans être dérangés. Voilà qui donne le vertige.
Les nouvelles technologies ont considérablement compliqué l’équation. En entreprise, un employé reçoit en moyenne 88 e-mails par jour et en envoie 34, selon les données de Radicati Group. Les cadres des pays européens passent environ 5 heures par jour à traiter ces messages, dont une bonne partie sont considérés comme urgents.
Sollicitations en continu
Certaines entreprises ont mis en place un système collaboratif comme Slack, dans le but de simplifier les communications internes et réduire la quantité d’e-mails. Mais les sollicitations arrivent sur son écran sans discontinuer et il est difficile de se déconnecter de l’application sans passer pour un tire-au-flanc… S’ajoute à cela la multiplication des connexions privées. Avec WhatsApp, Facebook, Instagram ou Snapchat, le nombre de communications personnelles que nous recevons dans la journée a explosé. Un message pour confirmer le dîner du lendemain et le téléphone vibre. Une minute plus tard, c’est une photo de neige qui apparaît sur son écran, suivie des notifications sur LinkedIn ou des likes sur Facebook. Sur son téléphone, les tâches personnelles s’ajoutent aux professionnelles.
Le problème, c’est que la quantité de travail, elle, n’a pas diminué. Entre deux e-mails, un texto et une séance, il faut bien terminer ce rapport promis pour le jour même, préparer le prochain rendez-vous avec un client ou valider la commande pour que le produit soit livré au bon moment… En soi, rien de compliqué. Mais lorsqu’on est interrompu toutes les dix minutes, difficile de boucler un dossier sans s’arracher les cheveux. Toutes les études scientifiques le disent: être interrompu ralentit la productivité. L’économiste suédois Sune Carlson en faisait la découverte dès les années 1950, en observant les travailleurs en poste. Selon lui, «le temps perdu à cause de l’interruption d’une tâche est supérieur au temps de l’interruption», car le cerveau a besoin de trois minutes pour se reconnecter à la nouvelle tâche qu’il doit accomplir.
Les dérives du «multitasking»
Depuis quelques années, le neurologue américain Earl Miller est parti en guerre contre ce multitasking, qu’il juge très néfaste pour l’être humain. Ce chercheur à la prestigieuse université du MIT, dans le Massachusetts, explique que les interruptions pompent une énergie monstrueuse, plombent la productivité et annulent le processus créatif.
Le constat est partagé par Vincent Blanc, directeur d’Ismat Group SA, qui forme des manegers. Pour lui, les dérives du multitasking sont graves. «Ces sollicitations continuelles viennent appuyer sur la quantité de choses déjà importante que les gens doivent gérer et subir au quotidien. Cela se transforme vite en rumination, qui est à la source de l’épuisement professionnel, alerte-t-il. Pour éviter cela, il faut prendre du recul et se donner le droit de déconnecter.»
«En moyenne, un adulte ne peut pas gérer plus de huit tâches en même temps, tout compris, explique ce spécialiste. A 9h le matin, c’est déjà chargé: un powerpoint qu’il faut achever, un téléphone urgent… Et si en plus votre petit est malade et que vous devez passer à la pharmacie, alors vos nerfs en prennent un coup. Tout l’art consiste à boucler ces tâches une par une, soit en les réalisant, soit en les notant dans un agenda, par exemple, afin de stopper la rumination. Lorsque ces pratiques marchent, la boucle s’évapore instantanément comme une bulle de savon qui éclate et la sérénité revient, avec le sourire. Mais la réalité est souvent dramatique: sans bonnes pratiques, les collaborateurs accusent le coup, le stress les envahit et l’usure s’installe insidieusement.»
Pour se concentrer sur leurs dossiers en évitant d’être dérangés, nombre de cadres arrivent très tôt au travail, ou restent tard le soir, quand les collaborateurs sont déjà partis et que le téléphone ne sonne plus… D’autres se mettent un casque antibruit sur les oreilles afin de se couper des bruits externes, mais aussi signifier à leurs collègues de l’open space qu’il ne faut pas les déranger.
Certaines entreprises prennent des mesures plus radicales en interdisant les e-mails à l’interne de manière partielle ou totale, afin que les ordinateurs ne crépitent plus et que l’information s’échange au moment prévu pour, dans les séances notamment. En France, Price-Minister coupe les messageries une demi-journée par mois. Au siège de Virgin Management, le système s’arrête pendant une heure, tous les mercredis après-midi. Dans le Michigan, aux Etats-Unis, la start-up Menlo Innovations a interdit les e-mails entre employés.
Messageries déconnectées au travail
Mais la plupart des entreprises ne prennent pas de décisions aussi radicales. Du coup, c’est à chacun de se faire violence afin de ne pas exploser sous les sollicitations. Paradoxalement, la technologie peut être une aide efficace. Car ces dernières années, des dizaines d’applications se sont développées sur ce secteur. L’une des plus connues est Focus Booster, qui se base sur la technique Pomodoro, qui planifie des périodes de travail de 25 minutes, suivies d’une pause. L’application chronomètre le tout, ce qui évite d’aller consulter ses e-mails alors que l’on est plongé dans la rédaction d’un mémo important.
D’autres applications sont plus ou moins restrictives, en supprimant à votre place toute possibilité de surfer tout en écrivant. Boomerang, par exemple, bloque la réception d’e-mails pour une durée convenue à l’avance. RescueTime surveille votre activité en ligne et vous ouvre les yeux sur votre addiction éventuelle aux réseaux sociaux, en vous indiquant combien de temps, dans la journée, vous avez passé sur Facebook. DeskTime, utilisée par de nombreuses sociétés, propose la même fonction. La plupart de ces outils sont disponibles gratuitement. En version payante, ils peuvent envoyer des alertes aux utilisateurs dont les distractions sont trop nombreuses. Ils ont surtout le mérite de leur faire réaliser combien les nouvelles technologies perturbent la concentration.
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