Un trans colore «Plus belle la vie»
La série française diffusée sur RTS Un s’attaque avec intelligence aux tabous liés à l’identité sexuelle, mettant en scène un personnage transgenre incarné par le comédien Jonas Ben Ahmed, lui-même transgenre. Un choix salué sur les réseaux
Avec ses rebondissements invraisemblables, le feuilleton Plus belle la vie fait glousser certains téléspectateurs. La série française, diffusée sur RTS Un, donne pourtant une image plutôt réaliste de la société. Depuis sa création en 2004, elle n’hésite pas à s’emparer de sujets dans l’air du temps, et parfois délicats. Elle s’est intéressée à la consommation de cannabis, à l’inceste ou au mariage gay, alors que la loi française venait à peine d’être adoptée dans un climat tendu. Pendant cinq semaines, la transidentité sera au coeur d’une nouvelle intrigue.
Dans ces nouveaux épisodes, dont la diffusion commence cette semaine, un personnage féminin se sent prisonnier d’un corps qui n’est pas le sien. «Quand je pense à l’avenir, je sais que je ne peux pas devenir cette femme que vous attendez, ni même une femme tout court», confie-t-elle à ses proches. Le responsable d’une association ad hoc va alors l’aider. Ce dernier sera incarné par un acteur transgenre. Une première pour une série grand public.
Mercredi, le comédien Jonas Ben Ahmed était l’invité de l’émission Quotidien de Yann Barthès. Il a évoqué sa rencontre avec l’équipe de la série. «Ça fait du bien de voir que des gens s’intéressent au sujet et veulent en parler simplement, naturellement, sans fioritures, sans exagérer les traits, sans caricature. Ils m’ont même écouté, a-t-il affirmé sur le plateau. Je me suis rendu compte en revoyant le script qu’ils avaient pris en compte ce que je leur avais apporté sur le monde transgenre.»
Son témoignage a touché les internautes. «Je suis admiratif devant Jonas qui a su affronter le regard des autres. Je lui souhaite une longue et bonne carrière», écrit @Jean57A sous une publication de l’émission de TMC. Des personnes transgenres ont également réagi sur Twitter, comme @ysabauw: «Pouvoir être soi tel que l’on est et non comme on y a été «assigné» ne devrait pas être un parcours du combattant mais une évidence dans toutes sociétés démocratiques. Merci pour votre témoignage inspirant pour nous tous et les autres personnes transgenres.»
Plus belle la vie s’attaque à un sujet sensible. En 2017, la chaîne TF1 avait abordé la thématique de façon maladroite avec la série Louis(e). L’héroïne transgenre était incarnée par une actrice qui ne l’était pas. Pour éviter de véhiculer des idées reçues, l’équipe du feuilleton s’est longuement documentée et a consulté plusieurs associations. «On a voulu mettre en scène une kyrielle de regards sur cette question, à travers sa famille et son entourage, avec le moins de fantasmes, de clichés et de projections possible. Avec, en toile de fond, cette question: l’amour de nos proches est-il inconditionnel?» raconte la scénariste Mélusine Raynaud au journal Libération.
Le monde éducatif a également une place importante dans l’histoire. Comment doivent se comporter les enseignants dans une situation similaire? Le feuilleton ouvre la voie à une discussion constructive. Même si, comme le souligne le quotidien français, cela est amené de manière peu subtile. Dans la série, les professeurs vont notamment évoquer le guide «Comprendre pour agir» édité par le Ministère de l’éducation nationale.
La transidentité reste un grand tabou, et l’annonce de cette nouvelle intrigue déplaît à quelques internautes. Les personnes transgenres sont bien souvent la cible d’attaques violentes. L’effort pédagogique du feuilleton est donc salué sur les réseaux. «Une bonne nouvelle pour la visibilité des personnes trans et un bon moyen d’informer les cinq millions de téléspectateurs qui regardent la série chaque soir», estime @DamCottin. ▅
L’acteur Jonas Ben Ahmed sur le plateau de «Quotidien», sur TMC mercredi 7 mars: «Ça fait du bien de voir que des gens s’intéressent au sujet.»