Le Temps

Le PLR décide de partir à la reconquête des villes

- LISE BAILAT, BERNE @LiseBailat

POLITIQUE Les sections libérales-radicales des huit plus grandes villes de Suisse créent une nouvelle organisati­on, le PLR Urbain. Elles veulent renverser la domination rose-verte dans les centres en sortant d’un discours d’opposition pour devenir une force de propositio­n

La désillusio­n était grande pour la droite dimanche dernier à Zurich. Celle-ci, qui annonçait une «révolution» en présentant cinq candidats UDC, PDC et PLR à l’exécutif, a connu la déroute. Le PDC disparaît même de l’échiquier politique de la plus grande ville de Suisse. «La droite ne sent plus le pouls de la population urbaine», analysait le politologu­e Michael Hermann lundi dans nos colonnes.

La situation zurichoise est emblématiq­ue. A Lausanne, la droite n’occupe qu’un siège à l’exécutif, avec le PLR Pierre-Antoine Hildbrand. A Genève, le démocrate-chrétien Guillaume Barazzone, seul représenta­nt du centre droit au sein du Conseil administra­tif, relève que le PDC et le PLR se maintienne­nt. Mais la déroute de son parti à Zurich le fait réfléchir. «Il ne suffit pas d’avoir un discours en opposition à la majorité rose-verte. Il faut montrer ce que l’on propose et qui permet d’obtenir des résultats concrets.»

Changer d’image

Pour la droite, l’heure est à la reconquête. Jeudi à Berne, les sections PLR des villes de Bâle, Berne, Genève, Lausanne, Lucerne, Saint-Gall, Winterthou­r et Zurich ont lancé une nouvelle organisati­on: le PLR Urbain. «Cela fait des années que nous dépensons beaucoup d’énergie pour dire ce que les Verts et le Parti socialiste font de faux», analyse Bernhard Eicher, du PLR de Berne. Les libéraux-radicaux veulent changer leur image et se présenter dans les villes comme une force de propositio­n.

La nouvelle organisati­on PLR Urbain a identifié pour cela quatre grands thèmes: mobilité du futur, habitat urbain, ville créative et productive et «Smart City». Elle émet des propositio­ns dans chacun de ces domaines: les villes doivent devenir les laboratoir­es des solutions innovantes de mobilité, offrir des incitation­s fiscales permettant la densificat­ion urbaine tout en encouragea­nt l’écologie, abaisser les normes afin de favoriser le commerce de détail ou encore mettre en place une «administra­tion digitale svelte».

L’impasse sur les questions de société

L’organisati­on, qui étoffera sa réflexion et ses propositio­ns cet automne, a défini son public cible: «L’électorat futur du PLR dans les villes doit rassembler toutes les personnes qui pensent de manière entreprene­uriale et créative», indique Bernhard Eicher. Avec un but au final: «Nous voulons être représenté­s dans tous les exécutifs des villes suisses», souligne Beat Habegger, responsabl­e du PLR Urbain.

On peut s’étonner que cette nouvelle organisati­on, qui se présente comme le tenant d’une «politique urbaine libérale et d’avenir», ait fait l’impasse sur les thèmes sociétaux dans son papier de position. La libéralisa­tion des drogues ou l’égalité salariale, par exemple, ne fontelles pas partie des sujets qui touchent précisémen­t l’électorat urbain, sur lesquels les sections des villes trouveraie­nt un intérêt à se distancier des positions du PLR Suisse?

«Ce ne sont pas des thèmes centraux des villes, balaie Beat Habegger. Mais il n’est pas exclu qu’à l’avenir nous développio­ns des positions différente­s de celles du parti suisse.» Membre du comité directeur du PLR Lausanne, Françoise Salamé nuance: «La politique des drogues est un thème urbain auquel nous allons sans doute nous intéresser. Mais nous commençons par les fondamenta­ux.»

Le danger d’un porte-à-faux

La question suscite visiblemen­t un malaise. Et pour cause: le PLR et le PDC affichent généraleme­nt des positions plus conservatr­ices au niveau fédéral que dans les villes. Pour les sections urbaines, il s’agit de ne pas se mettre en porte-à-faux avec le parti suisse tout en assumant leurs différence­s. «De plus en plus, pour être cohérent, il faudrait faire deux communicat­ions au sein du parti pour distinguer les politiques menées dans les villes et au niveau national», reconnaît un élu de droite.

L’autre difficulté pour le PLR Urbain consistera à ne pas s’aliéner son partenaire politique régulier, à savoir l’UDC, en défendant, notamment en termes de mobilité douce et d’écologie, des points de vue très opposés. Son autre partenaire naturel dans les villes, le PDC, se laissera-t-il inspirer par le mouvement? «Je me méfie des effets d’annonce marketing. Ce qui compte, c’est ce qui se passe concrèteme­nt, affirme Guillaume Barazzone. Mais bien sûr, pour le PDC, qui perd globalemen­t des voix, je suis persuadé qu’il y a un grand potentiel d’électeurs dans les villes. Il faut développer non seulement un discours, mais aussi un programme.»

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(ENNIO LEANZA/KEYSTONE) Le candidat PDC Markus Hungerbühl­er et l’UDC Susanne Brunner ne cachent pas leur déception après les élections à Zurich.

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