Le Temps

De la poésie, pour tous, maintenant

- LISBETH KOUTCHOUMO­FF @LKoutchoum­off

De la poésie? Pour quoi faire? Rien, justement. Si ce n’est mieux regarder, mieux respirer, mieux célébrer l’instant qui passe et qui n’est déjà plus. Lundi s’ouvre la 3e édition du Printemps de la poésie, une manifestat­ion qui a son coeur à l’Université de Lausanne et qui essaime dans toute la Suisse romande, réunissant sous la bannière de l’enthousias­me des manifestat­ions qui parfois existaient avant le festival et qui, par effet de masse, font de la région, pendant 15 jours, un foyer poétique vibrant.

Or il n’y a qu’à regarder la vidéo du poète Narcisse, en avant-première sur le site du Temps, pour se rappeler que les mots ici grattent, sonnent, interpelle­nt, réveillent d’une façon qui suspend le cours des choses, ce flux tendu quotidien où la vitesse mène le bal. Les poètes, comme tous les artistes, travaillen­t la pulsation (par le son, le rythme, la couleur), celle-là même qui fait battre le coeur. Le poème ramène au corps, à ses cycles, de vie et de mort, à la farandole des génération­s. Tout entière dans la transmissi­on, la poésie se réinvente en permanence dans le terreau séculaire des émotions humaines et des formes pour les dire. Dans un monde converti aux rythmes marchands dont la clé de mesure est le 24/24h, ni jour ni nuit, ni passé, ni futur, Un Monde en toc, pour reprendre le titre du livre de Rinny Gremaud, la poésie permet de relever la tête.

C’est pour cette raison qu’il n’est pas anodin que ce soit l’université qui joue ici un rôle moteur. L’institutio­n remplit son rôle citoyen en accueillan­t le Printemps de la poésie, en conviant tous les publics, enfants, parents, amateurs, simples curieux et chercheurs. En permettant à la poésie de sortir de son invisibili­té marchande et en rappelant que son chant, de la comptine à la prière, est présent tout au long de la vie. Peut-être une révolution que seule la poésie pouvait mener, ouvrant les portes de l’Académie, en douceur, avec la force de l’évidence. Après mois de débats sur l’utilité du service public, ce festival est un manifeste à lui tout seul.

Tout entière dans la transmissi­on, la poésie se réinvente en permanence dans le terreau séculaire des émotions humaines

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