Le Temps

Meyrin raconté en quelques cases

- STÉPHANE GOBBO @StephGobbo

A Genève, le Festival du film et Forum internatio­nal sur les droits humains expose un BD-reportage réalisé par les étudiants de la nouvelle Ecole supérieure de bande dessinée et illustrati­on sous la supervisio­n de Guy Delisle. «Meyrin, du réel au dessin» suggère une découverte de la cité genevoise dans l’oeil des bédéastes.

A Genève, le FIFDH expose un BD-reportage réalisé par les étudiants de la nouvelle Ecole supérieure de bande dessinée et illustrati­on sous la direction du Québécois Guy Delisle

Le Festival du film et Forum internatio­nal sur les droits humains (FIFDH) offre à voir des réalités lointaines, éclaire des problémati­ques qui demeurent trop souvent cachées. Dans le cadre de sa 16e édition, qui se déroule à Genève et environs jusqu’à dimanche prochain, il propose également une immersion… à Meyrin. Mis sur pied avec la toute nouvelle Ecole supérieure de bande dessinée et illustrati­on de Genève (ESBDI), le projet «Meyrin, du réel au dessin» a été encadré par Guy Delisle. Les seize étudiants qui constituen­t la première volée de l’ESBDI ont bénéficié des conseils du dessinateu­r québécois pour réaliser des BD-reportages qui sont exposés à la fois dans la cour de l’Espace Pitoëff, coeur du FIFDH, et à la villa du Jardin botanique alpin de Meyrin.

L’oeil du dessinateu­r voyageur

Guy Delisle a passé deux fois une semaine avec les élèves. La première était destinée à cerner les idées, la seconde à les développer. «On a commencé par se balader à Meyrin, où on nous a montré et expliqué tout ce qui s’est passé au niveau historique, culturel et géographiq­ue, raconte le dessinateu­r. C’était un bon terrain pour aller chercher des idées. Je suis ensuite intervenu quand ils avaient déjà couché leurs idées sur papier; je lisais les premiers jets, leur faisais part de ma vision personnell­e, leur proposais par exemple d’inverser des informatio­ns. Et à côté de ça, je leur ai montré comment je travaillai­s, comment j’abordais mes récits de voyage. J’ai essayé de me mettre à la place d’un étudiant, de me demander ce que j’aurais aimé qu’un prof m’apporte.»

En quatre albums publiés entre 2000 et 2011, Guy Delisle s’est imposé comme

«J’ai essayé de me mettre à la place d’un étudiant, de me demander ce que j’aurais aimé qu’un prof m’apporte» GUY DELISLE, BÉDÉASTE

un des grands noms du BD-reportage francophon­e. Mais là où l’Américano-Maltais Joe Sacco travaille à la manière d’un journalist­e, sa formation de base, le Québécois – dorénavant installé à Montpellie­r – est plus dans une démarche d’observatio­n. Shenzhen et Pyongyang ont été publiés à son retour d’Asie, où il travaillai­t dans l’animation; Chroniques birmanes et Chroniques de Jérusalem ont plus tard été réalisés lors de longs séjours imposés par les missions de sa compagne, employée de Médecins sans frontières.

«A Jérusalem, par exemple, je me promenais dans les rues les mains dans les poches, et quand il y avait une anecdote que je trouvais drôle, je la notais. Un journalist­e ne peut pas faire ça. Et outre, j’aime les endroits qui sont calmes. Je ne me verrais pas aller dans un lieu où une bombe a sauté afin d’en témoigner comme le ferait un reporter. Je parle d’un contexte général, je n’explique pas Jérusalem, je montre ce que j’ai vu et compris, c’est très subjectif.»

Explorer son propre langage

Guy Delisle explique travailler à partir de notes prises sur le vif. «Je tourne les pages, je choisis ce qui me paraît le plus intéressan­t, et au final ça ressemble à un immense collage, à une sorte de carte postale que j’enverrais à ma famille pour leur expliquer ce que j’ai vécu pendant une année. Ce n’est pas structuré dans l’ensemble, ça se fait au fur et à mesure.» Une «méthode» qu’il a transmise aux apprentis dessinateu­rs de l’ESBDI en leur conseillan­t d’explorer leur propre langage.

Au moment de découvrir le résultat final, il se dit ravi de découvrir des planches à l’image de ce que peut offrir le BD-reportage, «avec des choses très légères et cocasses, d’autres plus poétiques ou fantaisist­es, et d’autres beaucoup plus dans le réel; mais toujours basées sur ce qu’ils ont vu et observé.»

Et l’observatio­n mène à tout: Guy Delisle s’apprête à publier en juin le quatrième tome de son Guide du mauvais père, fruit des heures passées à la maison avec ses enfants. «Je ne pensais pas que je ferais autant d’histoires avec ça. J’avais commencé sur mon blog, et comme des papas m’écrivaient pour me dire qu’ils se reconnaiss­aient, j’ai continué.»

 ??  ??
 ?? (MIGUEL BUENO/FIFDH) ?? En quatre albums publiés entre 2000 et 2011, Guy Delisle s’est imposé comme un des grands noms du BD-reportage francophon­e.
(MIGUEL BUENO/FIFDH) En quatre albums publiés entre 2000 et 2011, Guy Delisle s’est imposé comme un des grands noms du BD-reportage francophon­e.

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland