Le Temps

La cliente était-elle Américaine? Argentine? Les deux à la fois? Et dans quel ordre?

- SÉBASTIEN RUCHE @sebruche

Le directeur d’une fiduciaire était jugé en appel cette semaine à Genève, pour avoir signé un formulaire erroné d’identifica­tion des clients d’une banque. Reconnu coupable de faux dans les titres en première instance, il avait été condamné au pénal à payer près de 15 000 francs. Ce dossier nous replonge dans les années 2000-2010, lorsque les clients américains des banques suisses étaient comme des lapins devant les phares d’une voiture. En l’occurrence un couple américano-argentin, résidant en Floride, qui détenait un compte joint auprès d’une banque privée genevoise depuis 1996. Leurs noms figuraient parmi les 4500 qu’UBS avait livrés à la justice américaine en 2009.

En septembre 2010, le directeur de la fiduciaire veut ouvrir dans la même banque genevoise un compte au nom d’une structure offshore, dont il est directeur. L’ayant droit économique de cette structure offshore est la femme du couple. Selon le formulaire A, elle apparaît maintenant sous son nom de jeune fille, vit dorénavant en Argentine et est 100% Argentine. Son nom de jeune fille figure sur un passeport d’urgence obtenu 13 jours auparavant. Les avoirs déposés sur le compte? Une donation de son mari. En parallèle, le couple s’opposait à l’entraide administra­tive avec les Etats-Unis, en vain finalement.

Peu après, le nouveau compte reçoit un dépôt en cash, avec des sommes qui venaient d’être prélevées sur le compte commun du couple. En résumé, une nouvelle cliente argentine reçoit de l’argent d’une ancienne cliente américaine, qui n’était au final qu’elle-même.

Le client, cet être inconnu

Perspicace, le service Compliance de la banque pose alors des questions: où vit vraiment cette cliente? A-t-elle abandonné sa nationalit­é américaine? Faute de réponses satisfaisa­ntes des employés du «front» (qui se sont au passage «pris une brossée»), le compte est fermé. Pour sa défense, le directeur de la fiduciaire affirme avoir signé «par erreur, par négligence», et qu’il en est «désolé», ce formulaire A «rempli par d’autres personnes». Son avocat souligne la difficulté de connaître vraiment la vie des clients des banques suisses à cette époque.

On se demande surtout pourquoi ce directeur de fiduciaire se retrouve devant la justice. A l’époque des faits, les «erreurs» dans les formulaire­s A n’étaient pas si rares, semble-t-il. Ce qui ne signifie pas que c’est une chose à faire. Reste qu’il n’y a pas de plaignant dans la procédure qui le vise, que la banque a réglé son litige avec le gouverneme­nt américain en payant 45 millions de dollars fin décembre 2015 et que le couple devenu plus Argentin qu’Américain a régularisé sa situation vis-à-vis du fisc des Etats-Unis. Mais ce dossier fera peut-être jurisprude­nce sur la façon dont on doit maintenant regarder le rôle joué par les fiduciaire­s sous l’ère du secret bancaire. Le verdict en appel sera rendu ultérieure­ment.

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