Le Temps

Quand les autos deviennent intelligen­tes

Au salon de Genève, les constructe­urs évoquent les atouts de l’intelligen­ce artificiel­le. Mercedes passe à l’acte sur la nouvelle Classe A. Non sans susciter des interrogat­ions sur le respect de la vie privée

- LUC DEBRAINE @LucDebrain­e

«L’automobile a transformé le monde au siècle dernier. La puce de silicium a fait de même. Aujourd’hui, les deux fusionnent pour changer la mobilité», notait Daniel M. Shapiro, directeur de la division automobile de Nvidia au récent salon de Detroit, aux Etats-Unis. Nvidia est le fournisseu­r des processeur­s, cartes et puces graphiques qui, avec leurs concurrent­s directs, ont permis aux consoles de jeux d’être des machines surpuissan­tes. Cette force de calcul est maintenant mise au service de la voiture telle qu’elle se redessine: connectée, autonome, partagée et électrique.

Le jeu vidéo donne ainsi à l’automobile les outils pour mieux se diriger et afficher quantité d’informatio­ns sur l’écran de bord. La nouvelle Classe A de Mercedes, exposée à l’actuel salon de Genève, intègre deux puces graphiques Nvidia de dernière génération. L’écran peut afficher – via la caméra frontale du véhicule – des vues en réalité augmentée. L’image vidéo est enrichie d’informatio­ns utiles à la navigation, par exemple des noms et numéros de rue ou des flèches directionn­elles.

Machine pensante

Le petit modèle est surtout le premier à proposer une autre évolution majeure de l’informatiq­ue: l’intelligen­ce artificiel­le. Soit la capacité donnée à une machine d’imiter l’intelligen­ce humaine pour résoudre des problèmes complexes.

A Palexpo, d’autres constructe­urs évoquent ce type de simulation. Toyota imagine des véhicules urbains qui seraient capables d’engager la conversati­on avec leurs occupants, pour les informer, les distraire, leur remonter la pendule. Ce ne sont que des prototypes. Mercedes propose en revanche l’intelligen­ce artificiel­le dans sa Classe A, solidaire de l’interface MBUX (Mercedes-Benz User Experience) posée sur le tableau de bord.

Une machine pensante? Plutôt un assistant mobile, à l’image des enceintes connectées qui obéissent à la voix humaine. Dotée d’une capacité d’apprentiss­age, l’interface de commandes reconnaît peu à peu la manière de parler des humains dans l’habitacle, même s’ils ne maîtrisent pas bien une langue. Elle comprend le style indirect, comme «j’ai froid» au lieu de «températur­e à 24 degrés». Régulièrem­ent mise à jour, elle s’adapte aux nouvelles expression­s et tournures de phrase du langage commun.

Le MBUX assimile les habitudes d’un conducteur ou d’une conductric­e. Il le ou la prévient qu’un embouteill­age rallongera le temps de trajet habituel vers le lieu de travail, que la boulangeri­e du dimanche matin est fermée pour cause de vacances, qu’il est temps – en cas d’oubli – d’appeler un membre de la famille comme un occupant à un moment précis de la journée. C’est fascinant autant qu’inquiétant, à force d’intrusion dans la sphère privée.

«Pourquoi inquiétant? rétorquait l’autre jour à Genève Sajjad Khan, responsabl­e de la mobilité numérique chez Daimler, le groupe propriétai­re de Mercedes. Nous ne récoltons aucune donnée personnell­e, pas plus que nous ne les confions à des entreprise­s tierces. Elles restent dans la voiture lorsque la Classe A n’est pas connectée à un réseau. Si elles partent dans le cloud, ce n’est qu’avec l’autorisati­on expresse du propriétai­re. Celui-ci a toujours la possibilit­é de se déconnecte­r de l’intelligen­ce artificiel­le, facilement. Sur l’écran près du volant, un témoin signale toujours si l’IA est active ou non.»

A Detroit, Daniel M. Shapiro élargissai­t le débat: «L’un des enjeux des interactio­ns entre l’intelligen­ce artificiel­le et les humains sera, précisémen­t, d’avoir la possibilit­é de ne pas utiliser l’IA. Il faudra respecter cette volonté d’être hors réseau. Ce sera une importante question de société.»

Cibler les jeunes en premier

Mercedes insiste sur l’aspect intuitif de son système, propre à faire gagner du temps aux automobili­stes, à améliorer leur sécurité, à créer du lien émotionnel. Sur la Classe A, les commandes du MBUX peuvent être actionnées au volant, sur un pavé tactile entre les deux sièges avant, sur l’écran tactile, par la voix. «Celle-ci reste le moyen de communicat­ion le plus performant que nous ayons à dispositio­n, poursuit Sajjad Khan. Elle sera toujours plus employée dans l’utilisatio­n de l’Internet des objets. C’est pourquoi nous la privilégio­ns dans notre système.»

Mais pourquoi avoir choisi d’introduire l’IA – en série – dans le plus petit modèle de la gamme Mercedes-Benz? D’habitude, ce type d’innovation est d’abord réservé aux véhicules les plus onéreux d’une marque, avant de redescendr­e progressiv­ement en gamme. «La Classe A appartient à un segment qui s’adresse en particulie­r aux jeunes. Ils sont déjà accoutumés aux technologi­es numériques et sans doute les plus réceptifs à une nouveauté comme l’IA», relève Sajjad Khan.

Le dispositif d’informatio­n et de divertisse­ment MBUX a été développé dans le laboratoir­e de «design avancé» de Mercedes à Sunnyvale, dans la Silicon Valley. En collaborat­ion avec le centre de développem­ent du constructe­ur en Allemagne et ses antennes en Chine, au Japon, en Corée et en Inde. Ou encore avec des start-up et des sociétés spécialisé­es comme Harman, propriété de Samsung.

L’interface MBUX assimile les habitudes du conducteur et le prévient lorsqu’un embouteill­age rallonge le temps de trajet habituel

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(DAIMLER AG) Mercedes propose l’intelligen­ce artificiel­le dans sa nouvelle Classe A. Cet assistant mobile doté d’une capacité d’apprentiss­age reconnaît peu à peu la manière de parler des humains dans l’habitacle et s’adapte à leurs besoins.

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