Le Temps

Genève, le carrefour où se jouera l’avenir de la voiture autonome

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Cette semaine, Genève accueille le Salon internatio­nal de l’automobile. Elle accueille également la 37e session du Conseil des droits de l’homme de l’ONU. A première vue, ces deux événements ont peu en commun. Mais à mesure que les voitures se transforme­nt en «ordinateur­s à quatre roues», les problémati­ques liées à l’intelligen­ce artificiel­le (IA) et l’éthique, la protection des données, la sécurité des citoyens, ainsi qu’à d’autres droits humains, deviennent de plus en plus essentiell­es.

Le développem­ent des voitures autonomes pose également de nouvelles questions, en particulie­r en matière de cybersécur­ité, de standardis­ation et en ce qui concerne leur impact sur l’emploi. La plupart de ces problémati­ques sont déjà abordées au sein de la Genève internatio­nale, à quelques kilomètres de Palexpo, où le Salon de l’automobile se tient chaque année. L’écosystème de Genève offre un espace unique pour traiter du futur de l’automobile dans des perspectiv­es technologi­ques, éthiques, commercial­es et sociétales.

La question éthique est incontourn­able dans les discussion­s portant sur l’IA et l’automobile. Bien qu’il soit certain que les voitures intelligen­tes feront moins d’erreurs que les conducteur­s humains, la tolérance aux échecs de l’IA sera significat­ivement plus faible. Les philosophe­s devront se joindre aux ingénieurs pour développer une approche éthique adéquate sur laquelle reposeront les algorithme­s de ces nouveaux véhicules. Les débats sur les voitures intelligen­tes et l’IA exigent que nous revisition­s en profondeur les principale­s questions éthiques liées au choix, à la liberté et à la responsabi­lité.

Les voitures intelligen­tes reposent sur le big data, comme illustré ci-dessus. Au lieu de développer des algorithme­s envisagean­t toutes les possibilit­és dans lesquelles un véhicule peut se trouver, les développeu­rs de l’IA adossent les algorithme­s à des données générées dans des conditions de conduite réelles.

Cependant, cela pose la question du respect de la vie privée, et de l’applicabil­ité de la nouvelle réglementa­tion européenne sur la protection des données à celles générées par les voitures. Trouver le juste équilibre entre l’usage économique de ces informatio­ns et la protection de la vie privée sera une des priorités à l’agenda des communauté­s du commerce et des droits de l’homme au sein de la Genève internatio­nale.

Les voitures intelligen­tes vont créer de nouvelles vulnérabil­ités. Si les voitures du futur sont piratées, des vies humaines en payeront le prix. Ainsi, l’industrie automobile met fortement l’accent sur la cybersécur­ité. Néanmoins, une question demeure: les solutions techniques de cybersécur­ité seront-elles suffisante­s ou faudra-t-il de nouvelles lois qui punissent le piratage des voitures sans conducteur de façon plus stricte que pour le piratage informatiq­ue? Le piratage des véhicules, du fait des risques qu’il pose en termes de vies humaines, semble nécessiter des réglementa­tions et des sanctions particuliè­rement strictes.

De nouveaux standards d’utilisatio­n et de sécurité devront être développés pour les voitures intelligen­tes. L’industrie automobile, comme l’industrie numérique, repose déjà sur un grand nombre de standards. La plupart de ces standards sont développés depuis Genève. L’Organisati­on internatio­nale de normalisat­ion (ISO) est un point de convergenc­e logique pour les standards relevant du monde numérique et ceux du transport. En matière de numérique, des contributi­ons importante­s pourraient être apportées par la Commission électrotec­hnique internatio­nale et par l’Union internatio­nale des télécommun­ications. En ce qui concerne les standards relatifs au transport, Genève abrite également l’Union internatio­nale des transports routiers qui facilite la standardis­ation au niveau mondial à travers l’utilisatio­n de Carnets TIR.

Les véhicules autonomes auront un impact sur près de 10% de la population active aux Etats-Unis. De nouveaux emplois seront créés. La question est de savoir quand cela sera effectivem­ent le cas. Le futur du travail, notamment dans l’industrie des transports, est au coeur des débats politiques, alors que l’Organisati­on internatio­nale du travail célébrera son centième anniversai­re en 2019.

A travers l’histoire, Genève a été le lieu où des équilibres subtils entre les progrès de la technologi­e et de l’humanité ont été trouvés. L’histoire passée et l’expertise actuelle confirment un peu plus que Genève est la ville la plus adaptée pour parvenir à un tel équilibre à l’ère de l’IA et du big data. Le succès (ou l’échec) de cette quête pour trouver des politiques adéquates pour les voitures intelligen­tes n’affectera pas seulement le futur de l’automobile, mais également le futur de l’IA dans de nombreux autres secteurs.

Le piratage des véhicules, du fait des risques qu’il pose en termes de vies humaines, semble nécessiter des réglementa­tions particuliè­rement strictes

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JOVAN KURBALIJA DIRECTEUR DE DIPLOFOUND­ATION ET RESPONSABL­E DE LA GENEVA INTERNET PLATFORM

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