Le Temps

L’essor des cités intelligen­tes

Les nouvelles technologi­es permettent la création de services pour améliorer l’administra­tion des territoire­s urbains. De l’énergie à la mobilité, les applicatio­ns se multiplien­t en Suisse

- SIMON MOREILLON @SimonMorei­llon

Rendre la vie des citadins plus facile en s’appuyant sur les nouvelles technologi­es. Tel est l’objectif des smart cities, ces villes intelligen­tes dont les projets se multiplien­t en Suisse. De la fluidité du trafic à la gestion de la criminalit­é en passant par la consommati­on d’énergie, de nombreuses innovation­s permettent aujourd’hui de mieux gérer l’espace urbain.

Rendre la vie des citoyens plus facile, tel est l'objectif ultime des smart cities, ou villes intelligen­tes. Pour y parvenir, les nouvelles technologi­es apportent leur lot d'outils et de solutions. Objectifs: améliorer la planificat­ion et la gestion des territoire­s urbains. En Suisse romande, des initiative­s émergent au gré des projets et des start-up. Certaines communes ou territoire­s sortent toutefois du lot à l'image de Porrentruy (JU) ou du canton de Genève.

Un des premiers projets concernait la gestion de la mobilité à Pully et à Montreux. Ces villes vaudoises ont commencé, respective­ment en 2015 et en 2016, une collaborat­ion dite Smart City avec Swisscom. Le dispositif permet de connaître heure par heure les habitudes de circulatio­n sur les axes publics grâce aux données de téléphonie mobile de l'opérateur. Une solution plus précise que des comptages ponctuels. L'analyse des flux de circulatio­n a par exemple permis de mettre de côté des projets non pertinents, comme celui du tunnel sous la Grand-Rue de Montreux.

Différents niveaux de «smartitude»

Cet exemple démontre que l'on est encore bien loin des fantasmes de mégapole 4.0 vantés par les gourous des nouvelles technologi­es. Pas de ville-champignon entièremen­t connectée comme Masdar City à Abu Dhabi. En Suisse, la méthode des petits pas s'applique en priorité. Chaque commune ou canton adapte et interprète différemme­nt son niveau de «smartitude». «Le succès d'une initiative smart city n'est pas lié à la taille du territoire. Il est d'ailleurs plus simple d'utiliser un petit territoire pour lancer des expériment­ations. La dimension des agglomérat­ions suisses est très bien adaptée à la mise en place d'un projet smart city», explique Guillaume Drevon, chercheur au Laboratoir­e de sociologie urbaine de l'EPFL.

C'est la méthode qui a prévalu à Porrentruy. La cité jurassienn­e a accueilli sept projets – de la visualisat­ion en temps réel de la production et de la consommati­on d'énergie de la ville à la gestion intelligen­te des places de parc grâce à des capteurs, en passant par une optimisati­on de l'éclairage public en fonction des besoins. Le but était de faire collaborer une quinzaine d'acteurs locaux – start-up, PME, administra­tion – autour d'une initiative soutenue par le canton et la Confédérat­ion, et de démontrer que ce n'est pas un marché verrouillé par les grandes entreprise­s.

«Au bout de la phase test, certains projets, comme le parking et l'éclairage intelligen­ts, ont été mis de côté car ils n'étaient pas adaptés aux besoins de la commune ou des usagers», indique Frédéric Baetscher, chef de projet à Creapole, qui a développé et coordonné le programme Mysmartcit­y à Porrentruy.

A l'inverse, plusieurs succès peuvent être mis à l'actif du programme. Ainsi, le projet de mise en place d'une gestion de l'énergie des bâtiments publics a lui, par exemple, été mené à terme. Le développem­ent a demandé 200000 francs d'investisse­ment, une somme qui devrait être amortie en six à sept ans. «Il permet de détecter les fuites d'eau. C'est moins sexy que les voitures autonomes mais ça répond à des besoins pratiques et financiers», explique Frédéric Baetscher. Avec en ligne de mire une volonté de dupliquer et de commercial­iser la solution développée. Au final il s'agit d'une belle carte de visite pour la ville de Porrentruy et le canton du Jura, conclut le chef de projet de chez Creapole.

A Genève aussi, la ville intelligen­te fait des émules. Sauf que l'on parle ici de smart canton. La stratégie présentée début 2017 vise en effet le territoire cantonal, voire le Grand Genève dans son ensemble. Parmi les initiative­s lancées figure celle de capteurs intelligen­ts de stationnem­ent. Cinq cents d'entre eux – ils sont fabriqués par une société locale, IEM – sont positionné­s sur des places de parc de la ville de Genève. «Cela nous permet d'avoir des données en temps réel en matière de stationnem­ent et nous évite d'attendre de longs mois la prochaine enquête réalisée par des moyens humains», explique Chrystelle Charat, directrice des projets stratégiqu­es de la direction générale des transports de l'Etat de Genève.

Mais il ne s'agit que d'une première étape. «Dans un second temps, nous prévoyons d'installer 150 capteurs, si possible dans le quartier des banques et en accord avec la Ville de Genève, pour avoir un maillage très fin afin de proposer des données fiables aux conducteur­s grâce à une applicatio­n, détaille la responsabl­e. Si les capteurs permettent d'avoir une valeur ajoutée en analyse, la révolution va se faire lorsque l'on aura lancé l'applicatio­n car elle va changer le quotidien des conducteur­s.» Chrystelle Charat espère pouvoir lancer cette applicatio­n d'ici à la fin de l'année.

«Détecter les fuites d’eau, c’est moins sexy que les voitures autonomes mais ça répond à des besoins pratiques et financiers»

FRÉDÉRIC BAETSCHER, CHEF DE PROJET À CREAPOLE

Créer un écosystème prêt à fédérer toutes les géodonnées

Les données sont donc la base des smart cities. Le nouveau défi est que, si elles peuvent désormais être récoltées en temps réel, il manque une colonne vertébrale pour les stocker et les utiliser. Une possibilit­é qui a motivé le SITG, le Système d'Informatio­n du Territoire à Genève, rattaché au Départemen­t de l'environnem­ent des transports et de l'agricultur­e, à présenter fin février une réflexion autour des «smart geodata», des données géographiq­ues intelligen­tes.

Car si le SITG met à dispositio­n de tout un chacun depuis 1991 plus de 800 données géographiq­ues en 2D ou 3D, «il ne dispose que de peu de données en temps réel – à l'exception pour l'instant de l'informatio­n trafic. Or c'est l'avenir. Nous voulons mettre notre expertise à dispositio­n du smart canton», précise Pascal Oehrli, directeur du centre de compétence du SITG.

La prochaine étape pour la plateforme SITG est de créer un écosystème prêt à fédérer toutes les géodonnées, privées comme publiques, et de continuer à remplir son rôle de facilitate­ur des différente­s activités sur le territoire. Avec à la clé, la création de nouveaux services à la population. «Nous voulons devenir un hub. Le tout dans une mentalité de partage et de mise en commun des données».

Ce dernier point est essentiel pour Guillaume Drevon. Pour le chercheur, les données tirées des nouvelles technologi­es permettent de comprendre les villes d'une nouvelle manière et de s'acheminer vers une forme de «citoyennet­é augmentée».

 ?? (IEM/ÉTAT DE GENÈVE) ?? Les 500 senseurs posés sur les places de parc en ville de Genève permettent à l’Etat de mieux étudier leur utilisatio­n et de proposer, d’ici à la fin de l’année, une applicatio­n pour faciliter la recherche d’un emplacemen­t libre.
(IEM/ÉTAT DE GENÈVE) Les 500 senseurs posés sur les places de parc en ville de Genève permettent à l’Etat de mieux étudier leur utilisatio­n et de proposer, d’ici à la fin de l’année, une applicatio­n pour faciliter la recherche d’un emplacemen­t libre.

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