L’essor des cités intelligentes
Les nouvelles technologies permettent la création de services pour améliorer l’administration des territoires urbains. De l’énergie à la mobilité, les applications se multiplient en Suisse
Rendre la vie des citadins plus facile en s’appuyant sur les nouvelles technologies. Tel est l’objectif des smart cities, ces villes intelligentes dont les projets se multiplient en Suisse. De la fluidité du trafic à la gestion de la criminalité en passant par la consommation d’énergie, de nombreuses innovations permettent aujourd’hui de mieux gérer l’espace urbain.
Rendre la vie des citoyens plus facile, tel est l'objectif ultime des smart cities, ou villes intelligentes. Pour y parvenir, les nouvelles technologies apportent leur lot d'outils et de solutions. Objectifs: améliorer la planification et la gestion des territoires urbains. En Suisse romande, des initiatives émergent au gré des projets et des start-up. Certaines communes ou territoires sortent toutefois du lot à l'image de Porrentruy (JU) ou du canton de Genève.
Un des premiers projets concernait la gestion de la mobilité à Pully et à Montreux. Ces villes vaudoises ont commencé, respectivement en 2015 et en 2016, une collaboration dite Smart City avec Swisscom. Le dispositif permet de connaître heure par heure les habitudes de circulation sur les axes publics grâce aux données de téléphonie mobile de l'opérateur. Une solution plus précise que des comptages ponctuels. L'analyse des flux de circulation a par exemple permis de mettre de côté des projets non pertinents, comme celui du tunnel sous la Grand-Rue de Montreux.
Différents niveaux de «smartitude»
Cet exemple démontre que l'on est encore bien loin des fantasmes de mégapole 4.0 vantés par les gourous des nouvelles technologies. Pas de ville-champignon entièrement connectée comme Masdar City à Abu Dhabi. En Suisse, la méthode des petits pas s'applique en priorité. Chaque commune ou canton adapte et interprète différemment son niveau de «smartitude». «Le succès d'une initiative smart city n'est pas lié à la taille du territoire. Il est d'ailleurs plus simple d'utiliser un petit territoire pour lancer des expérimentations. La dimension des agglomérations suisses est très bien adaptée à la mise en place d'un projet smart city», explique Guillaume Drevon, chercheur au Laboratoire de sociologie urbaine de l'EPFL.
C'est la méthode qui a prévalu à Porrentruy. La cité jurassienne a accueilli sept projets – de la visualisation en temps réel de la production et de la consommation d'énergie de la ville à la gestion intelligente des places de parc grâce à des capteurs, en passant par une optimisation de l'éclairage public en fonction des besoins. Le but était de faire collaborer une quinzaine d'acteurs locaux – start-up, PME, administration – autour d'une initiative soutenue par le canton et la Confédération, et de démontrer que ce n'est pas un marché verrouillé par les grandes entreprises.
«Au bout de la phase test, certains projets, comme le parking et l'éclairage intelligents, ont été mis de côté car ils n'étaient pas adaptés aux besoins de la commune ou des usagers», indique Frédéric Baetscher, chef de projet à Creapole, qui a développé et coordonné le programme Mysmartcity à Porrentruy.
A l'inverse, plusieurs succès peuvent être mis à l'actif du programme. Ainsi, le projet de mise en place d'une gestion de l'énergie des bâtiments publics a lui, par exemple, été mené à terme. Le développement a demandé 200000 francs d'investissement, une somme qui devrait être amortie en six à sept ans. «Il permet de détecter les fuites d'eau. C'est moins sexy que les voitures autonomes mais ça répond à des besoins pratiques et financiers», explique Frédéric Baetscher. Avec en ligne de mire une volonté de dupliquer et de commercialiser la solution développée. Au final il s'agit d'une belle carte de visite pour la ville de Porrentruy et le canton du Jura, conclut le chef de projet de chez Creapole.
A Genève aussi, la ville intelligente fait des émules. Sauf que l'on parle ici de smart canton. La stratégie présentée début 2017 vise en effet le territoire cantonal, voire le Grand Genève dans son ensemble. Parmi les initiatives lancées figure celle de capteurs intelligents de stationnement. Cinq cents d'entre eux – ils sont fabriqués par une société locale, IEM – sont positionnés sur des places de parc de la ville de Genève. «Cela nous permet d'avoir des données en temps réel en matière de stationnement et nous évite d'attendre de longs mois la prochaine enquête réalisée par des moyens humains», explique Chrystelle Charat, directrice des projets stratégiques de la direction générale des transports de l'Etat de Genève.
Mais il ne s'agit que d'une première étape. «Dans un second temps, nous prévoyons d'installer 150 capteurs, si possible dans le quartier des banques et en accord avec la Ville de Genève, pour avoir un maillage très fin afin de proposer des données fiables aux conducteurs grâce à une application, détaille la responsable. Si les capteurs permettent d'avoir une valeur ajoutée en analyse, la révolution va se faire lorsque l'on aura lancé l'application car elle va changer le quotidien des conducteurs.» Chrystelle Charat espère pouvoir lancer cette application d'ici à la fin de l'année.
«Détecter les fuites d’eau, c’est moins sexy que les voitures autonomes mais ça répond à des besoins pratiques et financiers»
FRÉDÉRIC BAETSCHER, CHEF DE PROJET À CREAPOLE
Créer un écosystème prêt à fédérer toutes les géodonnées
Les données sont donc la base des smart cities. Le nouveau défi est que, si elles peuvent désormais être récoltées en temps réel, il manque une colonne vertébrale pour les stocker et les utiliser. Une possibilité qui a motivé le SITG, le Système d'Information du Territoire à Genève, rattaché au Département de l'environnement des transports et de l'agriculture, à présenter fin février une réflexion autour des «smart geodata», des données géographiques intelligentes.
Car si le SITG met à disposition de tout un chacun depuis 1991 plus de 800 données géographiques en 2D ou 3D, «il ne dispose que de peu de données en temps réel – à l'exception pour l'instant de l'information trafic. Or c'est l'avenir. Nous voulons mettre notre expertise à disposition du smart canton», précise Pascal Oehrli, directeur du centre de compétence du SITG.
La prochaine étape pour la plateforme SITG est de créer un écosystème prêt à fédérer toutes les géodonnées, privées comme publiques, et de continuer à remplir son rôle de facilitateur des différentes activités sur le territoire. Avec à la clé, la création de nouveaux services à la population. «Nous voulons devenir un hub. Le tout dans une mentalité de partage et de mise en commun des données».
Ce dernier point est essentiel pour Guillaume Drevon. Pour le chercheur, les données tirées des nouvelles technologies permettent de comprendre les villes d'une nouvelle manière et de s'acheminer vers une forme de «citoyenneté augmentée».
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