A Caracas, la douloureuse incertitude du lendemain
La réalisatrice du film «Femmes du chaos vénézuélien», Margarita Cadenas, a dévoilé lundi au FIFDH le quotidien d’une population coincée entre pénurie alimentaire, hyperinflation et impunité
Caracas est devenue l’une des villes les plus dangereuses du monde. Violence exacerbée, pénurie alimentaire et hyperinflation sont le quotidien de ses habitants. L’effondrement du prix du pétrole, ressource dont le Venezuela dépendait à plus de 90%, a conduit la République bolivarienne dans une crise économique historique. Selon le cabinet de conseil Ecoanalitica, l’inflation a été de 2735% en 2017. L’année passée, 80% des foyers ont atteint le seuil de pauvreté. Près de 4 millions de Vénézuéliens sont partis en exil dans les pays voisins créant ainsi une crise régionale. Le système judiciaire étant anéanti, les violences sont impunies dans 98% des cas.
Diffusé lundi à l’occasion du Festival du film et forum international sur les droits humains (FIFDH), le film Femmes du chaos vénézuélien décrit le quotidien des familles. La réalisatrice, Margarita Cadenas, «dévoile comment les Vénézuéliens vivent au jour le jour» en dressant le portrait de cinq femmes. Toutes sont de milieux socio-économiques, de régions, de peuples et d’âges différents. Pourtant, un élément les réunit: la crainte du lendemain. Elles racontent leurs incertitudes face à la fluctuation des prix et au manque de nourriture. D’après Margarita Cadenas, le régime vénézuélien actuel «a converti les gens en mendiants, ils ont perdu leur dignité».
Une «dictature déguisée en démocratie»
A travers son film, la productrice d’origine franco-vénézuélienne met en lumière les difficultés d’accès aux soins de santé. Les hôpitaux manquent de tout: seringues, thermomètres, draps et médicaments. C’est au patient d’acheter et d’amener le matériel nécessaire afin d’être soigné. Pourtant, la ministre de la Santé, Luisana Melo, et le président, Nicolas Maduro, ont publiquement affirmé que le système de santé était opérationnel. Le 25 février dernier,
«Quand Chavez est arrivé au pouvoir, nous avons tous cru au changement» MARGARITA CADENAS
lors d’une interview réalisée par le journaliste chilien Marco Enríquez-Ominami, le chef de l’Etat a démenti les rapports dénombrant la mort de milliers de Vénézuéliens causée par le manque de médicaments. «C’est sans aucun doute une exagération totale, a-t-il réagi. Des milliers de vies sont sauvées tous les mois grâce [à notre] système de santé primaire.» Pour Margarita Cadenas, le président chaviste «nie totalement la crise» et cherche à sauver les apparences. Elle poursuit en qualifiant le Venezuela de Maduro de «dictature déguisée en démocratie».
Hier, le gouvernement de Caracas a annoncé «regretter les déclarations sans fond et irresponsables» faites par haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme Zeid Ra’ad Al Hussein, lors de la présentation de son rapport annuel, concernant la démocratie et le respect des droits de l’homme au Venezuela. D’après lui, le responsable onusien «utilise le même discours que les pouvoirs impériaux étrangers» afin de «diaboliser le pays».
Aucun investissement dans les infrastructures
L’amorce de la crise a débuté avant la présidence de Maduro en 2013. D’après Margarita Cadenas, le Venezuela de Chavez avait bénéficié pendant plus de dix ans d’une forte rentrée d’argent grâce au prix élevé du baril de pétrole. «Quand Hugo Chavez est arrivé au pouvoir, explique Margarita Cadenas, nous avons tous cru au changement. Chavez a été soutenu par le peuple car il a donné des allocations et de l’argent aux pauvres.» Aucun investissement dans les infrastructures ou dans l’appareil productif n’a été réalisé cependant. Parallèlement, «la corruption est devenue un fléau». Autant d’éléments qui ont semé les graines de la crise économique actuelle.
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