Les Etats tiennent au droit international
La chambre des cantons rejette l’initiative populaire de l’UDC pour l’autodétermination. Elle écarte aussi un contre-projet qui proposait de clarifier le lien délicat entre droit national et international
C’est une question juridique complexe mais une question clé pour la Suisse, sa démocratie directe et ses 4000 accords internationaux. Qu’est-ce qui l’emporte en cas de conflit? Le droit international? Le droit suisse? Qui en décide? Le Conseil des Etats en a débattu mardi matin durant quatre heures. Il a fini par rejeter l’initiative populaire pour l’autodétermination de l’UDC, dite aussi «Le droit suisse au lieu de juges étrangers», par 36 voix contre 6 et 0 abstention.
«Switzerland first»
Ce texte veut consacrer la primauté du droit suisse sur le droit international, hormis ses règles impératives, par exemple l’interdiction de la torture. «Un peu plus de Switzerland first, serait le bienvenu!» plaide Alex Kuprecht (UDC/SZ).
Renégocier les traités
Mais aux yeux de ses contradicteurs, l’initiative présente des failles évidentes. Elle porterait atteinte à la crédibilité de la Suisse, estime Robert Cramer (Verts/GE). «Remettre en question le principe selon lequel les accords doivent être respectés serait particulièrement déraisonnable de la part d’un petit pays comme la Suisse qui est protégé par l’existence des règles du droit international et qui bénéficie aujourd’hui de la réputation d’être un acteur fiable dans ce domaine.»
Elle contient par ailleurs deux dispositions qui ont laissé le Conseil des Etats songeur. L’initiative veut obliger les autorités à renégocier les traités internationaux qui entrent en conflit avec le droit national, mais parle d’une dénonciation «au besoin», sans préciser qui devrait le faire ni quand. Elle accorde par ailleurs une forme d’immunité aux traités internationaux qui ont été sujets ou soumis au référendum – donc qui auraient pu être ou ont été validés par le peuple. «L’initiative pour l’autodétermination promet de créer de la clarté entre le droit international et le droit national et provoque le contraire», affirme la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga.
«Réanimer Schubert»
De la clarté. Selon Andrea Caroni (PLR/AR), il est malgré tout nécessaire d’en apporter dans ce débat, tant les règles sont vagues aujourd’hui lorsque surgit un conflit entre le droit international et le droit suisse. L’Appenzellois proposait dans un contre-projet de «réanimer Schubert», du nom d’un jugement du Tribunal fédéral de 1973 resté célèbre.
«L’arrêt Schubert a imposé l’idée d’une exception possible à la primauté des traités sur les lois dès lors que le parlement a délibérément adopté un texte incompatible avec une convention internationale», explique Denis Masmejan, dans son livre Démocratie directe contre droit international. Mais l’idée même d’inscrire dans la Constitution une possible dérogation aux engagements internationaux de la Suisse a soulevé de l’incompréhension. «Je n’ai encore jamais vu une entreprise qui dit par exemple qu’elle ne paiera pas ses dettes si l’assemblée générale en décide ainsi», s’est exclamé Fabio Abate (PLR/TI). La difficulté de faire campagne sur un contre-projet jugé complexe, pour contrer la peur des «juges étrangers» brandie par l’UDC, a aussi contribué à faire échouer la proposition d’Andrea Caroni.
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«L’initiative promet de créer de la clarté entre le droit international et le droit national et provoque le contraire»