«La Suisse romande n’est pas en avance»
Pour Didier Faure, chargé de projet au bureau de conseil Innobridge, la Suisse romande peut mieux faire pour développer des projets liés aux villes intelligentes
Si les projets smart city se multiplient en Suisse romande, ils restent en deçà des premiers de classe en comparaison internationale. Toutefois ce relatif retard peut rapidement être comblé, explique Didier Faure, chargé de projet au bureau de conseil Innobridge et organisateur de la conférence annuelle Smart City Day, dont la 5e édition se tiendra en septembre 2018 à Fribourg.
Il y a un véritable foisonnement de projets «smart city» en Suisse, maispeut-on déjà parler de villes intelligentes? Il y a une lame de fond qui se met en place. Mais la Suisse romande n'est pas forcément le plus en avance sur le plan international. Mais nous pensons qu'elle a vocation à bien se développer sur ce sujet ces prochains temps. Qu’est ce qui manque à la Suisse romande? Si l'on se tourne vers l'étranger, à Singapour par exemple, le citoyen est avant tout un consommateur. Cela facilite la rapidité de prise de décision et donc la mise en place de services et projets smart city. A contrario, la Suisse a son propre système dans lequel la prise de décision prend plus de temps, les responsabilités étant plus décentralisées et partagées. Par ailleurs, pour les grands groupes industriels, le bassin de population est jugé trop petit. Ils ne poussent pas plus le développement car ils se concentrent sur de grandes agglomérations comme New York, Amsterdam, Paris ou Londres. La Suisse a aussi de très bonnes cartes à jouer; il faut qu'elle trouve sa propre voie.
Cette situation ne favorise-t-elle pas l’émergence d’acteurs locaux avec des solutions adaptées à la Suisse? En effet, car personne n'a de solution toute faite. Il faut conclure des partenariats public-privé pour mener à bien des projets complexes avec des gouvernances plus transversales et partagées. Dans tous les cas, il y a une vraie motivation et un début de foisonnement. Ça reste cependant difficile de comparer les projets. Les profils et les attentes sont différents entre une commune comme Leysin, centrée sur le tourisme, Lausanne concentrée sur la mobilité ou encore Genève qui communique actuellement beaucoup sur la blockchain. Il y a probablement autant de smart cities que de villes.
Qui dit ville connectée dit forcément «données». Comment garantir que celles-ci seront utilisées à bon escient et garantir leur viabilité dans le temps? C'est très sensible, car cela crée des opportunités mais aussi beaucoup de fantasmes. Certains disent qu'il s'agit du nouvel or noir, mais il faut qu'elles soient correctement anonymisées, agrégées, structurées, disponibles – ou pas, selon le cadre juridique. Elles représentent le ciment entre tous les silos d'une ville intelligente. Il y a beaucoup à construire. Une autre tendance que l'on voit notamment du côté des villes françaises est une dynamique autour de l'open data. Cette vision a pour objectif de faciliter l'accès aux données, ces dernières étant créatrices de valeur. Schématiquement, on crée de l'information à partir des données et, de l'information, on peut créer de la connaissance afin de rendre la ville plus agréable et efficiente.
Quelles pistes voyez-vous pour regrouper les initiatives dans ce domaine? Prenons l'exemple tiré du domaine de l'énergie avec le groupement des Cités de l'Energie: il y a deux décennies, c'était pionnier d'avoir un délégué de l'énergie. Désormais, c'est une fonction classique, et la transition énergétique est en cours. Au niveau du numérique, on pourrait voir le même chemin. Avoir un délégué dédié à la smart city, aux projets numériques et transverses, ou aux données deviendra un standard. Dans tous les cas, les pouvoirs publics se doivent d'avoir une stratégie concernant les données et le thème de la smart city.
«Les données représentent le ciment entre tous les silos d’une ville intelligente»