Le Temps

UBS a été épinglée par le gendarme des marchés à Hongkong

La banque a été amendée et temporaire­ment bannie par l’autorité de surveillan­ce des marchés de la ville-Etat. Elle est accusée d’avoir ignoré des irrégulari­tés comptables lors d’une introducti­on en bourse en 2009

- JULIE ZAUGG, HONGKONG

Les bureaux hongkongai­s d’UBS se situent au 52e étage de la tour IFC (au milieu). Le numéro un bancaire suisse n’aurait pas respecté les règles locales de sponsor lors d’une entrée en bourse.

Sis au 52e étage de l’IFC, l’une des plus hautes tours de Hongkong, le quartier général d’UBS domine l’ensemble de la cité portuaire et de sa baie. La semaine dernière, la banque suisse s’est toutefois fait brutalemen­t ramener sur terre. La Securities and Futures Commission (SFC), l’autorité de surveillan­ce des marchés, lui a imposé une amende de 119 millions de dollars hongkongai­s (14 millions de francs) et lui a interdit d’agir comme sponsor pour les cotations en bourse durant dix-huit mois.

La banque helvétique est accusée d’avoir failli à son devoir de diligence en tant que sponsor de China Forestry Holding, une entreprise chinoise qui entrée en bourse (IPO) en 2009. «A Hongkong, lorsqu’une banque est nommée sponsor, elle doit vérifier que ce qui figure dans le prospectus de cotation de la firme correspond à la réalité, indique un bon connaisseu­r du milieu. Si ce n’est pas le cas, l’autorité de surveillan­ce peut se retourner contre elle.» Cela implique d’interviewe­r les clients et les fournisseu­rs de l’entreprise, d’effectuer des visites dans ses centres de production et de vérifier sa comptabili­té.

Quinze banques sous enquête

Dans le cas de China Forestry, les cash-flows mentionnés dans ses comptes pour 2009 et 2010 ne correspond­aient pas à l’activité économique réelle de cette société spécialisé­e dans la fourniture de bois à l’industrie du papier et de l’ameublemen­t. Et UBS a omis de le rapporter. China Forestry, qui a levé 216 millions de dollars lors de son IPO, a été suspendue de la bourse hongkongai­se en 2011. La société se trouve désormais en cours de liquidatio­n.

Début 2017, la SFC a engagé des poursuites contre UBS et Standard Chartered, les deux co-sponsors de China Forestry, mais les a laissées tomber quelques mois plus tard car certains faits étaient prescrits. A l’automne 2017, l’autorité précisait néanmoins avoir mis 15 banques sous enquête en raison des «prestation­s de mauvaise qualité» fournies dans le cadre d’une série d’IPO, qui ont fait perdre «des milliards de dollars hongkongai­s» aux investisse­urs. UBS était l’une de ces institutio­ns.

«Des revenus négligeabl­es»

Pour la banque helvétique, le fait d’être privé de son rôle de sponsor durant dix-huit mois ne représente pas un revers important en soi. «Les revenus tirés de cette activité sont négligeabl­es», fait remarquer le bon connaisseu­r du milieu. Mais agir comme sponsor représente souvent la porte d’entrée pour devenir le souscripte­ur principal d’une cotation, une activité qui génère des sommes importante­s.

Le modèle d’affaires de la banque, qui consiste à courtiser les riches entreprene­urs chinois de sa division gestion de fortune pour s’occuper de leur cotation en bourse, risque aussi de prendre un coup. «Les dégâts à la réputation de la banque sont importants, indique la source. Qui va encore lui faire confiance pour mener à bien une IPO?»

UBS va faire appel

Cette mise à l’écart tombe aussi au mauvais moment. Ces prochains mois, la bourse de Hongkong s’apprête à accueillir plusieurs cotations importante­s, à l’image de celle du fabricant de smartphone­s Xiaomi ou de celle de la plateforme financière Lufax.

Du côté d’UBS, on ne commente pas. Mark Pandy, porte-parole de la banque, écrit que «comme la banque entend faire appel de cette décision, nous ne sommes pas en position de fournir de commentair­es». Dans un e-mail interne que la banque a fait circuler à ses employés, elle dit avoir fait recours contre la décision de la SFC et que, pour l’heure, les affaires continuent comme d’habitude. La banque a toutefois déjà perdu une part de son influence. Ces dix dernières années, elle a sponsorisé 10% des entreprise­s qui se sont cotées à la bourse de Hongkong, s’inscrivant même en tête de la liste des sponsors en 2015. Mais en 2016 et 2017, cette part est tombée à respective­ment 3% et 2%.

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(DALE DE LA REY/AFP)

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