Le Temps

Une victoire importante pour le TAS et la FIFA

- PIERRE TURRETTINI, AVOCAT, BOREL & BARBEY

Dans une décision du 20 février 2018 (4A_260/2017), publiée la semaine dernière, le Tribunal fédéral (TF) s’est penché sur deux problémati­ques importante­s dans le domaine de la justice sportive et du football organisé. La première concerne l’indépendan­ce du Tribunal arbitral du sport (TAS) vis-à-vis de la FIFA et la seconde concerne les dispositio­ns réglementa­ires de la FIFA interdisan­t la tierce propriété des joueurs (Third-Party Ownership ou TPO).

Rappel des faits. En juillet 2015, le RFC Seraing, club de football belge de 3e division, est accusé d’avoir conclu des contrats de type TPO en violation des nouveaux règlements de la FIFA. En conséquenc­e, la Commission disciplina­ire de la FIFA interdit le 4 septembre 2015 au RFC Seraing d’enregistre­r des joueurs, au niveau national et internatio­nal, pendant les quatre prochaines périodes de transferts et lui inflige une amende de 150000 francs. Le RFC Seraing recourt auprès de la Commission de recours de la FIFA, sans succès, puis auprès du TAS, qui confirme en partie la sanction de la FIFA en mars 2017. Le club porte alors l’affaire devant le TF.

Le principal argument soulevé par le RFC Seraing – la contestati­on de l’indépendan­ce du TAS vis-à-vis de la FIFA – est particuliè­rement intéressan­t d’un point de vue juridique. C’est en effet la première fois que le TF examine en détail la relation entre la FIFA et le TAS (celle entre le CIO et le TAS avait été analysée en 1993, puis en 2003).

Parmi d’autres éléments, le RFC Seraing invoque devant le TF que la FIFA est dominante en termes de «volume d’affaires» pour le TAS et qu’elle finance celui-ci par de larges contributi­ons financière­s. De ce fait, le chiffre d’affaires réalisé par le TAS proviendra­it, en grande partie, du «gros client» qu’est la FIFA, compte tenu de l’explosion des litiges relatifs au football internatio­nal. Le TAS serait ainsi enclin à juger plus souvent au détriment des parties opposées à la FIFA pour ne pas risquer de perdre cet important client. Les employés du TAS et les arbitres souffrirai­ent directemen­t dans leur patrimoine privé si la FIFA renonçait à son affiliatio­n au TAS.

Le TF ne suit pas les arguments du RFC Seraing, relevant notamment que la contributi­on financière annuelle de la FIFA aux frais généraux du TAS (1,5 million de francs) ne correspond qu’à 10% du budget du TAS, montant bien inférieur à la contributi­on de l’ensemble du mouvement olympique (7,5 millions). Par ailleurs, le RFC Seraing n’a apporté aucune preuve (analyse statistiqu­e ou autre) qu’il existerait une propension du TAS à donner raison à la FIFA lorsqu’elle est partie à une procédure conduite par lui. Sur ce point, il sera intéressan­t de lire le raisonneme­nt du TF si, dans un nouveau cas, des preuves statistiqu­es que les fédération­s sportives sont avantagées devant le TAS sont apportées par une partie.

Après une victoire importante en 2016 devant le Tribunal fédéral allemand dans l’affaire concernant la patineuse Claudia Pechstein, le TAS obtient un nouveau succès majeur, qui confirme son statut de Cour suprême de la justice sportive et du football.

Cette décision est aussi une victoire importante pour la FIFA dont les règles interdisan­t le TPO sont validées par le TF, qui rappelle que cette interdicti­on limite certes la liberté économique des clubs mais sans la supprimer. La FIFA n’en a toutefois pas fini avec le RFC Seraing, qui a aussi porté l’affaire devant les tribunaux belges.

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