Le Temps

L’internemen­t à vie requis pour les meurtres de Rupperswil

- CÉLINE ZÜND, SCHAFISHEI­M @celinezund

L’accusation présente le décalage entre le comporteme­nt du prévenu et l’horreur de ses actes comme un signe de sa dangerosit­é. En dépit de l’avis des psychiatre­s, le Ministère public réclame la mesure la plus radicale du Code pénal

La procureure Barbara Loppacher requiert la perpétuité pour Thomas N. Elle réclame aussi l’internemen­t à vie, au motif que le prévenu est dangereux et que le risque de récidive est élevé. La loi exige que deux expertises indépendan­tes attestent de l’incurabili­té du prévenu pour prononcer cette mesure sécuritair­e. Or, dans le cas de Thomas N., les deux psychiatre­s s’accordent pour dire le contraire: ils n’excluent pas que l’individu de 34 ans puisse être soigné au terme d’une longue thérapie.

La procureure s’est évertuée malgré tout à convaincre la cour mercredi de la nécessité de cette mesure, la plus sévère du Code pénal, passant en revue par le détail l’atrocité de cette matinée du 21 décembre 2015. Ce jour-là, Thomas N. entre chez la famille S., prend le plus jeune fils en otage, force la mère à vider son compte bancaire, abuse sexuelleme­nt de l’enfant, avant d’égorger un à un tous les membres de la famille. Les psychiatre­s n’ont pas pu affirmer que ces actes résultaien­t d’un dérangemen­t psychique, affirme Barbara Loppacher. «Si le délit ne peut être rapporté à aucun trouble psychique concret, ni maladie, alors comment peut-on considérer qu’il puisse être soigné?» a-t-elle demandé devant la cour.

La dangerosit­é du prévenu, en revanche, ne fait aucun doute pour le Ministère public, tout comme le risque élevé de récidive, «une raison de prononcer un internemen­t à vie», souligne encore la procureure. L’argumentat­ion de l’accusation s’est reposée sur le profil du prévenu, décrit comme un narcissiqu­e manipulate­ur, animé d’un puissant désir de domination. Barbara Loppacher explique ainsi ce crime hors norme: «Thomas N. était poussé par des motifs purement égoïstes. L’argent, il n’en avait pas vraiment besoin. Il a pris la vie de quatre personnes, seulement parce qu’il en avait envie.»

«Fatalité»

Dès son arrestatio­n, au cours de l’enquête et enfin devant les juges, Thomas N. n’a jamais cessé de se montrer coopératif. Face aux autorités, il donne l’image d’un jeune homme tranquille, «gentil», relève la procureure. Sur le terrain de football où il était entraîneur, dans son entourage, face à sa mère, il présentait le même visage inoffensif. Mais ce décalage entre le comporteme­nt du prévenu et l’horreur de ses actes ne doit tromper personne: «C’est le signe de sa dangerosit­é», estime la procureure.

Thomas N. n’a pas commis son crime de manière froide, ni planifiée, conteste la défense. Mû par la «fatalité», il espérait être arrêté par la police à chaque instant, affirme l’avocate Renate Senn. Mais c’est avant tout pour des motifs sexuels qu’il a agi: «Aussi étrange que cela sonne, les meurtres n’étaient qu’un effet secondaire. Ils ont été commis pour camoufler le viol.» La défense conteste également l’incurabili­té de Thomas N., se basant sur les expertises psychiatri­ques, qui envisagent la possibilit­é d’une évolution positive en cas de thérapie: «Il n’y a aucune raison de s’écarter de ces conclusion­s.» Le Tribunal fédéral se montre particuliè­rement réfractair­e à cette mesure, a rappelé l’avocate, mentionnan­t la récente décision annulant l’internemen­t à vie de Claude D. il y a tout juste une semaine.

Pas même l’internemen­t ordinaire, qui permet de priver un individu de sa liberté pour une durée indétermin­ée – aussi longtemps qu’il est considéré comme dangereux – n’est applicable à son client, estime Renate Senn. La défense préconise une peine de 18 ans au plus. Thomas N. est accusé d’assassinat­s, extorsion de fonds, séquestrat­ions, prises d’otages, actes sexuels avec un enfant, contrainte­s sexuelles, incendie intentionn­el, pornograph­ie et actes préparatoi­res délictueux. ■

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(SIBYLLE HEUSSER/KEYSTONE)

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