OPTIMISTE, «LE TEMPS» EN 2008!
Il y a dix ans exactement, nous nous demandions ce que serait la Suisse romande en 2018. Dans notre numéro spécial du 10e anniversaire, nous nous étions assez largement trompés sur la vitesse d’exécution des grands chantiers en cours
On l'a un peu oublié, mais en 2008, on mesurait encore mal l'amplitude et la durabilité de la crise financière qui débutait. Les «paris» que Le Temps avait faits ne tenaient pas suffisamment compte du fait que la décennie suivante serait moins propice aux investissements que la précédente et que de nombreux obstacles allaient se dresser devant plusieurs projets de développement urbain, sur l'Arc lémanique notamment.
Il existe en effet quelques exemples très parlants de cet horizon brouillé dans le domaine des infrastructures en Suisse romande. A l'image, paradigmatique, du projet urbain Métamorphose, considérablement redimensionné à Lausanne. On croyait aussi que les cantons se dessaisiraient de leurs prérogatives essentielles: en dehors de la recherche académique ou de la médecine de pointe, on ne voit guère dans quel secteur ils ont perdu de leur influence.
MIGRATIONS, DANS TOUS LES SENS
En 2018, dans la région genevoise, «le CEVA reliera Annemasse à Cornavin» et «les ouvriers achèveront la pose des rails de la troisième voie entre Genève et Lausanne», écrivions-nous.
En réalité, la mise en service du Léman Express est prévue pour décembre 2019, et le projet Léman 2030 a revu les objectifs à la hausse, ce qui occasionne encore de nombreux travaux d'aménagement sur ce tronçon, aujourd'hui et demain. A terme, le nombre de places assises doit être doublé entre les deux villes, la cadence augmentée, et les gares encore agrandies et modernisées: les CFF s'attendent à une fréquentation de 100000 passagers par jour à l'horizon 2030, contre environ 45000 en 2008 et 55000 en 2015. Croissance démographique oblige, dont Le Temps pensait qu'elle ne dépendrait «probablement plus que des migrations» en 2018. Bien vu, même si un certain 9 février est passé par là.
NOUVELLE GARE À GENÈVE
Et le méga-projet Praille-Acacias-Vernets, qui vise à transformer la zone industrielle de La Praille, soit 130 hectares, en un nouveau quartier mêlant logements et activités? Il est aujourd'hui occupé par plus de 1000 entreprises, installées pour la plupart sur des terrains appartenant à l'Etat, mais mis à disposition sous forme de droit de superficie. Le projet se heurte à d'énormes difficultés, liées notamment au déplacement d'une partie de ces entreprises et à la récupération de ces terrains. Une toute nouvelle gare CFF y a cependant récemment vu le jour, et si les Genevois approuvent le Grand Conseil, il comptera finalement – bonne nouvelle – le double de logements initialement prévus.
Ce n'est pas le cas à Neuchâtel, par contre, où le TransRUN qui devait «projeter le canton vers le futur» a été coulé en votation populaire à l'automne 2012. Ce, alors que Le Temps voyait aussi, «à l'horizon 2013-2015», la Comédie de Genève s'installer à la gare des Eaux-Vives. Dix ans plus tard, il n'est pas complètement acquis que ces travaux soient achevés… au printemps 2020.
Et l'on oublie, aussi, ces «dizaines d'hélices» qui étaient censées balayer «les horizons romands». Aujourd'hui, un parc éolien considéré d'intérêt national doit répondre à des critères si stricts que seul celui du Mont-Crosin, dans le Jura bernois, entre dans la catégorie des infrastructures rentables.
Autre point intéressant, Jean-Claude Biver, alors CEO de Hublot SA, voyait «au minimum» un doublement du chiffre d'affaires horloger pour la Suisse en dix ans. Les exportations ont en réalité passé de 17 milliards de francs à pas loin de 20 milliards, soit une augmentation de 17%, selon les chiffres fournis par la Fédération horlogère suisse, avec un pic à quasi 22,25 milliards en 2014, suivi d'un recul progressif. Les 34 milliards prévus semblent bien loin.