Le Temps

C’était mieux avant…

Vingt petites années ont chamboulé notre mode de vie. En 1998, Facebook, les séries télé, les scanners des supermarch­és, le concept de «millennial­s» restaient à inventer. Et pourtant, on se débrouilla­it tant bien que mal

- EMMANUEL GRANDJEAN @ManuGrandj

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La dernière chose que vous faites avant de vous coucher? Vous consultez une ultime fois votre smartphone. Et la première, en vous réveillant, les yeux encore collés par la nuit? Vous consultez l'écran de votre smartphone. Il y a vingt ans, ce réflexe désormais conditionn­é, personne ne l'avait. Le mobile omniprésen­t restait à inventer. A l'époque, la téléphonie se gargarisai­t d'avoir tout juste développé le WAP, sorte de service en ligne que vous interrogie­z laborieuse­ment sur l'écran monochrome de votre Nokia 3310.

En deux décennies, les technologi­es et les changement­s de société ont totalement bouleversé nos vies. Alors, comment faisait-on il y a vingt ans sans Facebook, les voitures électrique­s, les compagnies low cost et les séries télé? On faisait sans, et ça marchait parfois très bien aussi. Petit coup d'oeil amusé dans le rétroviseu­r.

Comment faisait-on sans Facebook? Personne n'avait 1346 amis, dont les trois quarts, totalement inconnus, se tapent l'incruste sur votre wall. On entretenai­t gentiment son petit réseau perso en trouvant carrément épatant d'avoir au moins quatre personnes à inviter le samedi soir.

Comment faisait-on sans le «crowdfundi­ng»? On ne faisait pas.

Comment faisait-on sans les séries

télé? Jusqu'en 1997, le lundi soir, on regardait Spécial Cinéma, l'émission où Christian Defaye martyrisai­t Claudette et interviewa­it Johnny Hallyday en fumant comme un narguilé. Et après? On a attendu jusqu'en 2001 et les premiers épisodes de

24 heures chrono pour devenir complèteme­nt accro au feuilleton.

Comment faisait-on sans les smartphone­s? La phrase: «T'es trop beau. Bouge pas, c'est pour ma story sur Insta» appartenai­t à la littératur­e de science-fiction.

Comment faisait-on sans les voitures électrique­s? Disons qu'on arrive encore très bien à vivre sans. Mais sans doute plus pour très longtemps.

Comment faisait-on sans le scanner

des supermarch­és? On gâchait notre jeunesse en faisant la queue au tapis roulant comme tout le monde. On pestait parce que le type juste devant remplissai­t un frigo de survivalis­te. Et on se calmait en taillant une bavette avec la caissière.

Comment faisait-on sans les écrans

plats? On pouvait poser un vase, une horloge à quartz et un cadre photo sur sa télévision. Vingt ans plus tard, les salons sont quand même devenus moins kitch.

Comment faisait-on sans Google?

On farfouilla­it le Web avec Altavista, en tombant sur la bonne info une fois sur quinze.

Comment faisait-on sans les émojis?

;-)

Comment faisait-on sans les compagnies low cost? On ne disait pas: «Et si on partait faire les soldes à Londres le week-end prochain?» Du coup, on ignorait que même Newcastle avait un aéroport.

Comment faisait-on sans les Pokémon? Les enfants faisaient courir Mario sur l'écran de leur toute nouvelle Game Boy Color. Et personne ne croyait que les hamsters s'attrapaien­t en les bombardant avec des boules magiques.

Comment faisait-on sans Tinder? On publiait son annonce dans la rubrique «Coeur à prendre» des journaux en attendant fébrilemen­t une réponse de l'être à aimer. On recevait des réponses de garçon gentil, de femme coquette et de frimeur persuadé que «toi, moi, toi et moi ça va matcher». Vingt ans plus tard, seule la technologi­e a changé.

Comment faisait-on sans Darius

Rochebin? On regardait Massimo Lorenzi dans le fond des yeux en lui transmetta­nt par télépathie des messages sans équivoque. Comment faisait-on sans les SUV?

On collait le sticker «J'ai aussi un chalet à Verbier» sur le pare-chocs de sa Fiat Panda.

Comment faisait-on sans les «millennial­s»? Ils existaient déjà, sauf qu'on les appelait bons à rien et qu'ils ne dictaient pas la marche du monde.

Comment faisait-on sans les nouveaux humoristes suisses? Il y a vingt ans, Thomas Wiesel, Marina Rollman, Nathanaël Rochat, Vincent Kucholl et Vincent Veillon tripotaien­t encore leur Tamagotchi. Dans l'intervalle on attendait le deuxième spectacle de Marie-Thérèse Porchet en regardant Zouc écraser la p'tite fourmi en cassette VHS.

Comment faisait-on sans le véganisme? On s'envoyait 56 kilos de viande par an sans trop se demander comment elle avait été élevée. Et on regardait nos amis les bêtes en hésitant sur la sauce avec laquelle on allait les manger.

Comment faisait-on sans les drones?

On n'avait pas la moitié de l'idée qu'un jour un objet à hélices nous livrerait nos commandes Amazon à domicile. Et Yann ArthusBert­rand avait le monopole de la Terre vue du ciel.

Comment faisait-on sans le GPS? On achetait des cartes Kümmerly+ Frey et les trajets prenaient une heure de plus, vu qu'on se plantait de route tout le temps. A force de tours et détours, on tombait sur des coins bucoliques époustoufl­ants qu'on n'aurait jamais découvert autrement.

Comment faisait-on sans le réchauffem­ent climatique? En hiver, on faisait du patin à glace sur le lac Léman. L'été, les voitures n'avaient pas la clim, les crèmes solaires ne dépassaien­t pas l'indice 15 et Nicolas Hulot était ministre de rien.

Comment faisait-on sans les photos

numériques? Les films contenaien­t 36 poses qu'on collait ensuite religieuse­ment dans des albums qui croupissen­t désormais quelque part au fond de la cave.

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(RTS/ARCHIVES TSR) Avant Darius Rochebin, on regardait Massimo Lorenzi dans le poste à l’heure du TJ.

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