TANT D’OBJETS DEVENUS INUTILES...
L’expansion du Web, accélérée par le développement des smartphones, a ringardisé des dizaines d’outils du quotidien. Et la tendance s’accélère
Internet a tué les bottins téléphoniques, les GPS et les encyclopédies. Ce qui semblait inéluctable il y a dix ans s’est révélé… faux. Local.ch, filiale de Swisscom, imprime toujours plus de trois millions d’annuaires par année. TomTom lance encore de nouveaux GPS à fixer dans sa voiture. Et Encyclopaedia Universalis édite toujours des livres.
Internet n’a pas tué ces trois objets, mais leur a imposé des modifications profondes. Le nombre de bottins imprimés ne cesse de baisser, TomTom a perdu plus de 200 millions de francs l’année passée et Encyclopaedia Universalis a déposé le bilan avant de renaître en éditant de simples dictionnaires et des résumés annuels d’actualité.
En 2018, rares sont les secteurs qui n’ont pas été bouleversés par l’expansion d’Internet, accélérée par la croissance phénoménale des services sur smartphones. Les vidéoclubs ont quasiment disparu et les rares qui résistent, tel le Karloff à Lausanne, se sont lancés dans la vente en ligne de DVD. Il y a toujours des exceptions et aucun produit n’est mort pour de bon. Certes, la cassette VHS a disparu au profit du DVD. Mais celui-ci résiste toujours, malgré l’explosion du streaming.
ENCORE DES MAGAZINES «DE CHARME»
Même l’industrie du X, toujours à la pointe de l’innovation technologique, vend encore des DVD – et plutôt chers, à voir les tarifs (23,99 dollars) du site Adultdvdempire.com. Et les kiosques possèdent toujours, en 2018, une petite section dédiée aux magazines dits de charme.
Dans un registre parallèle – si l’on peut dire –, la presse généraliste imprime chaque jour moins de journaux, mais elle existe toujours de manière physique. Et en cherchant un peu, vous trouverez encore des petites annonces dans des quotidiens. Mais il faut être observateur.
La connexion permanente, via son smartphone, à ses e-mails ou la généralisation de la facture électronique annoncent la fin de la simple lettre. Mais elle résiste. En 2017, La Poste a expédié un peu plus de deux milliards de lettres, soit une baisse de 4,2% par rapport à 2016.
Les vastes projets de signature électronique devraient accélérer ce mouvement, mais leur mise en place prend du temps… Et le même phénomène s’observe pour les paiements par smartphone, censés signifier la fin du cash. Selon une récente étude de Comparis, seuls 3% des Helvètes utilisent leur téléphone pour payer. La solution Twint a beau revendiquer 500 000 utilisateurs, ceux-ci l’utilisent surtout pour s’envoyer de l’argent entre eux…
CABINES EN VENTE
Bien sûr, Internet, et la généralisation des smartphones, a signifié la quasi-disparition de certains objets. Prenons les cabines téléphoniques. Il y a vingt ans, il en existait 60 000 en Suisse, elles ne sont plus que 3000 aujourd’hui. Et depuis le début de cette année, Swisscom n’a même plus l’obligation de les exploiter. Elles vont donc disparaître. Mais que les nostalgiques se rassurent: Swisscom vend ses anciens modèles 3500 francs. Frais de transport non compris.
De manière beaucoup plus subtile, Internet a tué des éléments non tangibles de nos vies. Prenez l’ennui. Ou l’attente. Avec un smartphone dans la main, rempli d’applications plus addictives les unes que les autres, il est devenu quasi impossible d’éprouver une sensation d’ennui – peut-être pas d’épanouissement intellectuel non plus, mais c’est une autre question. Et avec des horaires en temps réel de trains ou de taxis Uber sur son smartphone, l’attente est devenue un concept en voie de disparition.
Difficile – mais encore possible pour certains – de se perdre en ville ou dans la campagne alors que Google Maps est dans sa poche. Depuis quelques mois, le service indique même où l’on a garé sa voiture – sans qu’on lui ait rien demandé, d’ailleurs. Les cartes physiques ne sont plus achetées par de rares anxieux qui partent en vacances ou par des randonneurs pas tout à fait certains d’avoir un réseau 4G proche d’un sommet enneigé.
ET NOTRE MÉMOIRE?…
Internet a peut-être aussi tué, ou pour le moins endommagé, quelque chose d’essentiel. Notre mémoire. Connaissez-vous le numéro de téléphone de vos proches? Pas certain. De toute façon, tout est enregistré dans le smartphone.
En 2015, une étude menée par des chercheurs de Kaspersky Lab et du département de psychologie de l’Université de Birmingham observait que plus de 70% des parents ne connaissaient pas par coeur le numéro de leur enfant. Et que 49% des participants à l’étude ne pouvaient pas dire par coeur le numéro de leur partenaire.
Mais pas de quoi s’inquiéter outre mesure, selon les chercheurs, qui parlaient d’un «effet Google»: nous savons que le savoir est à portée de clic et nous sommes contents de considérer le Web comme une extension de notre mémoire. Nous sommes ainsi devenus bons pour trouver des informations, mais plus forcément pour nous souvenir de celles-ci…