11-Septembre, année zéro
L’attentat qui a frappé en 2001 deux des principaux symboles de la puissance américaine a profondément marqué le début du XXIe siècle. Il a suscité une riposte massive des Etats-Unis, qui ne sont pas pour autant parvenus à terrasser leur agresseur. Les or
Qui a remporté la guerre déclarée le 11 septembre 2001? Les agresseurs, ces partisans du djihad mondial qui ont eu l’audace de s’en prendre à la superpuissance américaine en lançant des avions contre certains de ses plus célèbres symboles, World Trade Center et Pentagone? Ou les agressés, ces EtatsUnis qui n’avaient plus subi de graves attaques sur leur sol depuis Pearl Harbour, durant la Seconde Guerre mondiale, et qui ont riposté avec une force dont eux seuls étaient capables? Dans les mois qui ont suivi l’hyper-attentat, le doute ne semblait pas permis: l’Amérique avait envahi le repaire de terroristes islamistes qu’était devenu l’Afghanistan et n’avait fait qu’une bouchée d’Al-Qaida et de ses protecteurs locaux, les talibans. Seize ans et demi plus tard pourtant, le doute s’est installé. Le conflit n’est toujours pas terminé. Pire: il s’est considérablement étendu.
LA LONGUE GUERRE
Que s’est-il passé? Comment une victoire qui semblait promise s’estelle transformée en plus longue guerre jamais menée par les EtatsUnis au cours de leur histoire? Pour beaucoup, le dérapage s’est produit au moment où la Maison-Blanche a décidé de profiter des circonstances pour envahir un deuxième pays, l’Irak. Pour d’autres, il était inscrit dès les premières semaines de la riposte dans la volonté d’annihiler définitivement une force politico-militaire aussi solidement enracinée que les talibans et dans l’ambition d’occuper suffisamment longtemps l’Afghanistan pour convertir ce pays rude en bastion pro-américain. Dans un cas comme dans l’autre, l’arrogance aurait perdu l’Amérique.
De fait, le djihad s’est spectaculairement élargi au fil des ans, pour embrasser désormais des dizaines de pays, les uns partiellement occupés, comme le Mali, le Yémen et la Syrie, les autres ciblés par des attentats, comme la Tunisie, la Turquie et la France. Et ni le Printemps arabe, qui a traduit des aspirations démocratiques aux antipodes de l’idéologie djihadiste, ni l’assassinat du dirigeant suprême d’AlQaida, Oussama ben Laden, n’ont coupé cet élan. Le premier événement lui a profité en répandant le chaos. Le second n’a pas eu sur lui la moindre incidence.
Les djihadistes n’ont pas pour autant gagné la partie. Ni militairement, ni politiquement. Certes, ils ont réussi à occuper des pans entiers de certains pays – l’Etat islamique en constitue l’exemple le plus frappant. Mais ils l’ont dû davantage à la faiblesse de leurs adversaires qu’à leurs propres forces: ils ont battu en retraite dès que leurs ennemis, aidés de l’extérieur, se sont ressaisis. Les héritiers de Ben Laden ne bénéficient par ailleurs que d’une popularité limitée dans le monde musulman. Malgré tous leurs efforts, ils ne sont pas parvenus à rallier massivement les populations qu’ils prétendent défendre.
Ces dernières années, les coups de boutoir des forces armées américaines, françaises, russes et iraniennes ont fait entrer la guerre dans une nouvelle phase, en arrachant à l’Etat islamique et à Al-Qaida certains des principaux territoires qu’ils étaient parvenus à se tailler au Mali, en Syrie et en Irak. Mais les djihadistes ne sont pas défaits. Pendant que certains continuent à tenir de vastes espaces, d’autres se sont évanouis «dans la nature» pour continuer leur lutte au moyen de la guérilla et du terrorisme: des formes de combat qu’ils pratiquent, comme ils l’ont déjà prouvé, avec une rare efficacité.