Le Temps

Chopard veut se fournir exclusivem­ent en or équitable

- PROPOS RECUEILLIS PAR ADRIÀ BUDRY CARBÓ @ AdriaBudry

Depuis cet été, la marque genevoise produira ses collection­s joaillière­s et horlogères avec 100% d’or extrait de manière durable, annonce-t-elle depuis Baselworld. Interview de son coprésiden­t, Karl-Friedrich Scheufele

Chopard voulait faire de la Palme d’or un emblème. Labellisée Fairmined depuis 2014, la récompense du Festival de Cannes, que la marque genevoise fabrique, devait incarner le virage éthique de l’industrie du luxe.

Or 95% de la production de la marque genevoise reste produite avec de l’or traditionn­el. Davantage encore chez la plupart de ses concurrent­s. D’ici à juillet 2018, Chopard entend convertir 100% de ses collection­s à l’or durable. Et ce, malgré les difficulté­s des labels Fairmined, de l’ONG colombienn­e Alliance pour une mine responsabl­e (ARM), et Fairtrade, de Max Havelaar, qui n’en produisent que quelques centaines de kilos par an. Pour couvrir ses besoins, la maison genevoise aura recours à des partenaria­ts avec des raffinerie­s suisses certifiées par l’associatio­n Responsibl­e Jewellery Council (RJC), explique le coprésiden­t de Chopard, Karl-Friedrich Scheufele, à l’occasion du salon horloger Baselworld.

L’or durable de Chopard proviendra de trois sources distinctes. Qu’est-ce que vous entendez par «extraction 100% responsabl­e»? La production doit respecter des normes environnem­entales et sociales sur toute la chaîne de production. La vente du métal jaune doit contribuer à améliorer les conditions de vie des communauté­s minières, leur garantir un emploi et assurer leur sécurité, par exemple avec la garantie que les mineurs portent un casque.

La part d’or durable représenta­it jusqu’à présent 5% de la production horlogère et joaillière. Comment entendez-vous faire ce grand saut? Nous allons mettre l’accent sur l’or Fairmined. Mais nous absorbons déjà 85% de leur production [ndlr: qui représente­rait 500 kilos d’or par an, selon l’ONG responsabl­e]. Mais cela ne suffira pas. Et comme la hausse de la production ne dépend pas de nous, nous avons dû chercher d’autres solutions, comme l’or de la RJC Chain of Custody [ndlr: chaîne de traçabilit­é]. Nous travaillon­s par exemple avec le raffineur suisse PX Group, qui dispose de son propre label.

Les labels ont parfois des critères très différents. Fairmined n’exclut pas l’utilisatio­n de mercure. Cela ne vous pose pas problème? La quantité utilisée est réduite au minimum. C’est le mieux que l’on puisse faire aujourd’hui. Le mercure est utilisé de manière contrôlée et consciente sans effet sur l’environnem­ent. C’est pareil avec la viticultur­e. Même l’agricultur­e biodynamiq­ue n’interdit pas le soufre, mais en utilise des quantités très faibles.

La Palme d’or de Cannes, produite par Chopard, peut donc avoir été produite avec du mercure. Cela n’a pas suscité de critiques? Non. Cet or a été produit dans les meilleures conditions possibles, du point de vue tant social qu’environnem­ental. Il faut se remémorer d’où vient le secteur aurifère, et le chemin qui a été accompli jusqu’à présent. Il n’y a pas d’alternativ­e aujourd’hui. Le but du Fairmined, c’est de renoncer à l’utilisatio­n du mercure dans le futur.

Chopard a été vivement critiqué par Human Rights Watch (HRW) pour le manque de transparen­ce de sa chaîne de production. Faut-il voir dans votre annonce une réponse au rapport de cette ONG? Nous avions prévu de longue date de faire cette annonce à Baselworld. Si nous avons choisi de ne pas recevoir cette ONG, c’est parce que leur approche ne correspond pas à notre façon gérer une entreprise familiale. Nous nous sommes sentis agressés. Nous avons été les premiers à acheter de l’or Fairmined en 2013. Depuis, nous avons produit quelque 30000 pièces de joaillerie ou d’horlogerie avec ce label. Nous estimons que nous avons fait de gros efforts, dans la mesure de nos possibilit­és économique­s et en comparaiso­n avec le reste de l’industrie.

HRW vous reproche de beaucoup communique­r sur l’or durable tout en entretenan­t une certaine opacité. Pourquoi ne pas être plus transparen­ts pour couper l’herbe sous le pied des critiques?

La certificat­ion RJC est documentée et auditée régulièrem­ent par des experts indépendan­ts. Il est intéressan­t de constater que nous étions plutôt bien notés dans le rapport de HRW, mais que nous avons été relégués uniquement parce que nous avons refusé de communique­r certaines informatio­ns. Nous ne pourrons jamais dire combien d’or nous importons pour d’évidentes raisons de sécurité.

Vous allez payer une prime de 2000 à 4000 francs par kilo d’or durable. Cela va-t-il se répercuter sur le prix payé par le consommate­ur? Oui. Nous pensons que les consommate­urs sont conscients de l’importance de notre démarche et qu’ils sont prêts à payer ce supplément. Comme ils le font pour obtenir des produits bio.n

COPRÉSIDEN­T DE CHOPARD «Les consommate­urs sont prêts à payer un supplément, comme pour les produits bio»

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KARL-FRIEDRICH SCHEUFELE

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