Ueli Maurer, presque déjà en campagne
La nouvelle réforme de l’imposition des entreprises, qui succède à la défunte RIE III, arrive sur la table du parlement. Avec les retouches apportées au projet, le ministre des Finances veut éviter le «drame», si possible au moins le référendum
Ueli Maurer n’aime pas le mot catastrophe. Mais tout de même, selon le conseiller fédéral, si la nouvelle réforme de l’imposition des entreprises devait subir le même sort que son aïeule la RIE III – enterrée en février 2017 par un vote populaire –, «ce serait dramatique pour la place économique suisse». Pour éviter un tel scénario, il a présenté mercredi un nouveau projet qu’il qualifie de plus «transparent» et plus «équilibré». Une comparaison entre l’ancienne (RIE III) et la nouvelle mouture (PF 17) permet de mettre en évidence les différences.
Moins de niches fiscales
La mesure principale reste inchangée. A l’avenir, grandes entreprises et PME seront soumises au même taux d’imposition sur leurs bénéfices et leur capital. Les cantons mettront fin aux régimes spéciaux et adapteront à la baisse le taux ordinaire d’imposition des entreprises. Ce qui change, c’est le nombre des nouvelles niches fiscales, réduit à deux. La patent box, qui permet d’alléger l’imposition des bénéfices issus des brevets, sera obligatoire. Le relèvement des déductions pour la recherche et le développement est maintenu. Il sera facultatif pour les cantons. Exit en revanche les fameux NID – les déductions des intérêts notionnels –, qui avaient fait rugir les opposants à la RIE III.
Nouvelles mesures compensatoires
Elles formeront les points chauds du débat au parlement. Pour compenser les pertes fiscales, une hausse de l’imposition des dividendes à 70% au niveau des cantons et de la Confédération est prévue. La mesure rapportera 80 millions de francs par an au ménage fédéral et 355 millions aux caisses cantonales. Les allégements fiscaux dont pourront bénéficier les entreprises seront davantage limités (70%, contre 80% dans la RIE III).
En guise de compensation sociale, le Conseil fédéral propose de relever de 30 francs les prescriptions minimales en matière d’allocations familiales et de formation. Un geste qui ne concerne toutefois pas les cantons de Fribourg, Vaud, Valais, Genève, Jura et Zoug, qui se montrent déjà plus généreux.
Ce qui semblait impossible en 2016 s’est réalisé: tous les cantons ont répondu à un questionnaire de la Confédération sur leur projet de mise en oeuvre de la réforme. L’analyse permet de mieux évaluer les effets: le taux moyen d’imposition des bénéfices des entreprises dans les cantons suisses, de 19,58% aujourd’hui, passera à 14,5%, pour des pertes estimées en 2020 à 2,4 milliards de francs (sans les mesures compensatoires). Il reste cela dit des zones d’ombre dans l’analyse. Un exemple: sept cantons (NE, GE, TI, GR, SO, GL, NW) ne communiquent pas le nombre de sociétés susceptibles de profiter des patent boxes sur leur territoire.
Le coût total de la réforme est estimé à 667 millions de francs pour la Confédération et 1,1 milliard pour les cantons en 2020 en termes de pertes sèches de recettes fiscales. Mais Ueli Maurer met en avant le prix de l’immobilisme: si rien n’est entrepris, la Suisse se privera à long terme de 3,6 milliards de francs de recettes, selon une projection dynamique développée par ses services. Projection aussi fragile que précise. Prenant en compte différents facteurs – attractivité, développement des salaires, consommation, etc. –, l’Administration fédérale des finances évoque un gain de 168 millions pour la Confédération, 291 millions pour les cantons et 938 millions pour les assurances sociales à long terme si le Projet fiscal 17 est adopté, sur la base d’un scénario moyen.
Villes et communes se sont désormais ralliées au nouveau projet de réforme. Mais dans les partis, les fronts restent figés pour le moment. La gauche juge les pertes fiscales encore trop lourdes et appelle de ses voeux davantage de compensations sociales. La droite estime au contraire que la responsabilité des compensations revient aux cantons. Au parlement, le débat se focalisera sans doute sur le sort des PME. L’Union suisse des arts et métiers avait brandi la menace du référendum en cas d’augmentation de l’imposition des dividendes. Elle parle toutefois aujourd’hui de réexaminer l’impact de cette mesure en regard des baisses du taux d’imposition prévues dans les cantons. Les Chambres fédérales devraient avoir terminé l’examen du projet cet automne. Le temps presse. La Suisse, sous pression internationale, est censée mettre fin aux régimes fiscaux spéciaux des entreprises dès 2019. Mais la mise en oeuvre de la réforme dépendra fortement du lancement d’un référendum. «Ce ne serait pas très habile», commente Ueli Maurer, pourtant déjà en campagne.
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