La remise en route de l’Europe
Maintenant que l’Allemagne a un gouvernement, elle va pouvoir répondre aux appels du pied du président français, qui a de grandes ambitions pour l’Europe. Ça, c’est la théorie. En pratique, ça va être beaucoup plus compliqué. Il y aura des gestes, mais probablement plus symboliques qu’effectifs.
Depuis des années, la France défend des idées très jacobines: elle propose inlassablement un budget pour la zone euro, avec un ministre des Finances, voire un parlement, pour s’en occuper. Emmanuel Macron a repris ce refrain, mais il a aussi avancé une kyrielle d’autres idées, comme un corps de gardes-frontière commun, de nouvelles universités entièrement européennes, des échanges de lycéens, et bien d’autres choses, toutes destinées à rendre l’Europe plus sympathique à des opinions publiques de moins en moins enthousiastes, pour ne pas dire euroseptiques. Du côté allemand, la chancelière Merkel souhaite aussi relancer l’Europe et elle veut répondre favorablement à son jeune collègue, mais elle n’est pas favorable à l’idée de nouvelles dépenses communes, parce que l’Allemagne devrait y contribuer et parce qu’elle n’en voit guère l’intérêt.
De plus, l’idée que la France et l’Allemagne copilotent l’Europe a toujours hérissé les autres pays et ils sont d’autant moins enclins à y consentir que tous font également face à un climat eurosceptique. Pendant longtemps, les petits pays du nord de l’Europe s’en remettaient à la Grande-Bretagne pour torpiller les tentatives jacobines de la France que l’Allemagne soutenait du bout des lèvres. Avec le Brexit, ces pays se retrouvent désormais en première ligne. Très récemment, le premier ministre des Pays-Bas a repris le flambeau de cette résistance. Pour corser le tout, l’Italie est paralysée par sa situation instable, aussi bien sur le plan politique depuis les élections que sur le plan économique, avec des banques bien malades et une dette publique inquiétante. Avec les pays du Sud, elle défend l’idée d’une plus grande solidarité, un nom de code pour obtenir des pays du Nord qu’ils participent aux reconstructions rendues nécessaires par la crise de la zone euro. Bien entendu, les pays du Nord ne veulent pas en entendre parler.
Trouver un projet commun pour «réenchanter l’Europe» va donc être très difficile. Il est clair que la construction européenne a besoin d’air frais. Pendant des décennies se sont empilées des initiatives souvent guidées par la conjoncture politique et parfois mal pensées. La crise des dettes publiques a montré que la construction de la zone euro est loin d’être achevée et la vague migratoire, qui va se poursuivre, a révélé des fractures profondes entre l’est et l’ouest de l’Union européenne. Logiquement, donc, la priorité devrait être de procéder à un profond nettoyage. Dans la zone euro, cela signifie adopter un fonds commun pour faire face aux crises bancaires et s’attaquer aux dettes publiques insoutenables de pays comme la Grèce, l’Italie ou le Portugal. Dans l’Union, en plus d’une impossible approche commune des questions migratoires, il serait judicieux de réduire le maquis réglementaire qui irrite tant les citoyens, mais c’est la Commission qui fait de la résistance puisque c’est là la source de son pouvoir.
Tout ceci pourrait décourager les responsables politiques, mais c’est ignorer qu’ils partagent l’opinion qu’il faut faire quelque chose, parce que l’Europe est trop importante pour être délaissée. Que peut-être le plus petit dénominateur commun? Il est probable que la zone euro va se doter d’un Fonds monétaire européen, un grand nom pour ce qui devrait être un léger replâtrage du mécanisme financier mis en place durant la crise des dettes. L’Union devrait pouvoir se retrouver pour chercher à mieux contrôler les flux migratoires, peut-être en créant un corps commun de gardes-frontière et en agissant collectivement auprès des pays d’où partent les migrants. Ajoutez à cela quelques gestes symboliques qui seront présentés comme des avancées historiques, et l’Europe aura été relancée.
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