Les gens sérieux sont dangereux
Dans les multiples manifestations de l’intelligence humaine, l’humour pèse plus qu’on ne l’imagine. C’est le liant qui nous permet de vivre ensemble, la couleur qui élève une discussion, la preuve qu’un langage universel existe. Quand l’humour est là, tout est fluide. Quand il manque, c’est à désespérer d’arriver à quoi que ce soit. Un grand philosophe suisse a rappelé que «rire, c’est bon pour la santé» et, même si lui-même était peu documenté sur ce sujet, il y avait du vrai là-dedans.
Nos vies numériques ont, elles aussi, besoin de cet oxygène. On a tous aimé faire semblant de boire une bière avec notre premier iPhone (ou de se battre au sabre laser de Star Wars avec son bruit de centrale électrique!). Les émojis sont une source inépuisable de sourires arrachés pour celui qui les écrit, comme pour celui qui les reçoit. Mais tout cela, ça date.
On rigole moins, aujourd’hui, dans la technologie. Les algorithmes de Facebook ne sont pas drôles et nos smartphones susciteront bientôt autant d’émois que nos actuelles machines à laver. Franchement, Mark Zuckerberg et Tim Cook sont-ils des gars avec qui vous aimeriez passer une soirée? Pas sûr.
Que vous n’ayez pas envie de partager un verre avec un assureur ou un patron de la machine-outil, cela peut se comprendre. A priori, ces deux-là sont supposés travailler dans des domaines très contraints, où la fantaisie n’a guère l’occasion de s’exprimer. Mais les deux icônes de la Silicon Valley, le tsar des relations sociales et le maestro du gadget? Non, rien à y faire: Mark et Tim ont l’air de missionnaires sévères qui prêchent la bonne parole, pas de génies créatifs prêts à partager leur savoir et à croquer la vie à pleines dents.
Ces types si sérieux ressemblent de plus en plus aux patrons de secteurs où seul compte le retour sur investissement. Ce n’est pas pour rien si – dans l’imaginaire collectif –, les nouveaux méchants sont les tycoons de la Silicon Valley, et plus ceux de Wall Street.
Si la joie de vivre est un détail pour vous, rappelez-vous qu’il est plus difficile de pivoter si on est raide et engoncé. Changer de stratégie, faire les choses différemment, se remettre en question et innover demande au préalable de réduire au maximum les frictions. Se tromper, cela nous arrivera tous à un moment ou un autre. Le patron de Facebook en a encore fait l’expérience cette semaine. S’il continue à rester aussi ennuyeux au lieu de partir dans un grand éclat de rire et dire «Je me suis complètement planté, on recommence tout», nous pourrions tous avoir un problème du genre… sérieux. Mark, un conseil: essaie de t’amuser, c’est la dernière carte qu’il te reste.
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