«L’UDC a encore de la marge de progression en Suisse romande»
Rencontre avec le président de l’UDC, Albert Rösti, alors que le parti lance ce samedi sa campagne en vue des élections fédérales de 2019. En parallèle, le parti renouvelle sa présidence. Christoph Blocher n’en fait plus partie, mais sa fille Magdalena accède à l’une des vice-présidences
Réunie samedi à Klosters (GR) en assemblée des délégués, l’UDC va lancer sa campagne en vue des élections fédérales d’octobre 2019. En 2015, le parti a atteint un sommet historique – 29,4% de part électorale. Mais il a stagné par la suite, notamment lors des élections communales à Zurich et à Winterthour, et il a égaré 11 sièges dans les parlements cantonaux.
Christoph Blocher quitte son poste de responsable de la stratégie. Mais sa fille, Magdalena Martullo, accède la vice-présidence. Elle y rejoint la Genevoise Céline Amaudruz et le Tessinois Marco Chiesa, qui succède à Oskar Freysinger. A Berne, il se murmure que Magdalena Martullo se prépare pour le jour où Ueli Maurer quittera le Conseil fédéral. Qu’en pense le président Albert Rösti?
L’UDC et le PLR ont la majorité absolue au Conseil national. Qu’est-ce que cela a apporté au pays? Comme la majorité n’est pas la même au Conseil des Etats, la force de frappe de la droite au Conseil national reste très relative. Elle l’est d’autant plus que le PLR n’est pas un partenaire fiable. Mais nous avons pu par exemple empêcher le contre-projet à l’initiative populaire «Pour une économie verte». Et nous avons fait passer la plupart des réformes fiscales, même si, ensuite, le peuple a refusé celle de l’imposition des entreprises. Sur le plan électoral, malgré nos récents échecs, nous avons encore une marge de progression.
Où? Dans les agglomérations, autour des villes où nous avons perdu du terrain. Et en Suisse romande, où notre part électorale est inférieure à la moyenne suisse.
Mais vous vous situez déjà un niveau élevé dans la plupart des cantons romands. Où comptez-vous gagner des sièges? Nous allons tout faire pour maintenir celui de Neuchâtel, où la situation est difficile. Et nous avons encore de la marge dans tous les autres cantons, notamment Fribourg et Vaud.
Vous voulez croître, mais vous remplacez votre deuxième vice-président romand par un Tessinois. N’est-ce pas paradoxal? Non. Nous avons renforcé la présence des Romands au comité du groupe parlementaire et au secrétariat. Nous allons organiser de nombreuses manifestations électorales auxquelles participeront nos élus fédéraux, notamment à Neuchâtel.
Si vous obtenez de bons résultats au Conseil national, vous avez moins de succès au Conseil des Etats, élu selon le mode majoritaire. C’est vrai. Pour le Conseil des Etats comme pour les gouvernements cantonaux, il faut des profils différents, comme Pierre Alain Schnegg, qui sera vraisemblablement réélu à Berne. Nous devons être attentifs à ce problème. Mais nous ne pouvons pas nous contenter de mener des campagnes modérées sous prétexte que nous voulons obtenir des sièges dans les exécutifs, car nous risquons d’échouer et de reculer dans les législatifs.
Depuis deux ans, vous avez deux conseillers fédéraux. En êtes-vous satisfait? Ueli Maurer a les finances bien en main. Il a repris le département d’Eveline Widmer-Schlumpf de manière très souveraine.
Même sur le plan international? Là, nous avons quelques divergences. Nous ne sommes pas d’accord d’étendre les accords d’échange automatique de renseignements fiscaux à des pays exposés à la corruption comme la Russie ou le Brésil. La Suisse pourrait le payer très cher.
Et Guy Parmelin? Il est aussi l’un des deux meilleurs conseillers fédéraux. Nous sommes satisfaits qu’il ait su convaincre le Conseil fédéral d’accepter l’enveloppe de 8 milliards pour la défense aérienne. C’est important pour la sécurité du pays et de la population. Nous sommes moins heureux de l’évolution du dossier européen. Nos deux conseillers fédéraux ne peuvent rien faire contre leurs cinq collègues. Mais la collaboration est meilleure avec Ignazio Cassis qu’avec Didier Burkhalter.
Comment expliquez-vous qu’un gouvernement composé de quatre PLRUDC ait accepté d’augmenter la TVA de 1,7 point pour financer les retraites? Je ne comprends pas que cette décision ait pu être prise. On m’a répondu que cela résultait de la dynamique du Conseil fédéral, qui s’est décidé à examiner différentes variantes entre 0,8 et 1,7 point de TVA.
Dans les années 1990, l’UDC réclamait la voie bilatérale. Votre parti soutient-il toujours cette approche avec l’UE? Oui, clairement, même si tout le monde semble penser le contraire. Mais nous ne défendons pas la voie bilatérale à n’importe quel prix. Nous avons 120 accords avec l’UE. Il n’y en a que quelquesuns que nous contestons.
Ce sont les plus importants… Nous n’avons jamais soutenu les accords de libre circulation et de Schengen. Nous avons lancé une initiative qui donne la possibilité de décider si nous voulons maintenir la libre circulation des personnes ou non. Nous considérons que les conséquences de son maintien seront plus dramatiques que la perte des six autres accords qui lui sont liés.
Les milieux économiques et Swissmem ne cessent d’affirmer que ce paquet de traités bilatéraux est indispensable à la Suisse. Pourquoi refusez-vous d’entendre cet appel? Ces six accords profitent davantage à l’UE qu’à la Suisse. Je pense à l’agriculture, aux transports terrestres ou aux marchés publics. Quant à celui qui règle le transport aérien, Lufthansa, propriétaire de Swiss, trouvera une solution pour le compenser.
Et les obstacles techniques au commerce? C’est le seul, peut-être avec la recherche, qui profite à la Suisse. Mais son importance est moins grande que les effets négatifs de l’immigration, notamment la pression sur les salaires.
L’économie dit pourtant avoir besoin de la main-d’oeuvre européenne. Et que dire des besoins dans les domaines de la santé et des soins? Nous avons toujours eu les forces de travail dont nous avons eu besoin, surtout avant la libre circulation des personnes.
A l’époque des contingents, l’engagement de main-d’oeuvre étrangère n’était-elle pas source d’une lourde bureaucratie? Les contingents impliquaient un certain travail bureaucratique. C’est juste. Mais que dire des mesures d’accompagnement de la libre circulation? C’est bien pire. 150000 contrôles dans 15000 entreprises chaque année, les commissions tripartites: ça, c’est de la bureaucratie. Cela anéantit le marché du travail. C’est la main-d’oeuvre venant de l’extérieur de l’UE et de l’AELE qui nous fait défaut aujourd’hui, des ingénieurs, des chercheurs, des chimistes.
Christoph Blocher quitte la direction de l’UDC. Est-il remplaçable? Comment se fait la répartition des rôles au sein de la présidence renouvelée? Il ne sera plus là. Mais la présidence sera composée de neuf personnes, dont trois femmes, au lieu de huit, dont une seule femme, mais la répartition des rôles sera plus flexible. Nous travaillerons en équipe. Et nous aurons des spécialistes pour les principaux dossiers. Thomas Matter s’occupera des finances, Magdalena Martullo des dossiers économiques.
Ueli Maurer aura 69 ans en 2019, Guy Parmelin 65 en 2023. Comment envisagez-vous le calendrier de leur succession? Il est dans l’intérêt du parti qu’ils restent tous les deux en fonction. Ils sont en pleine forme. L’âge ne joue aucun rôle. Quand on voit le rythme auquel les choses évoluent, il est prématuré de parler de 2023.
Le Conseil des Etats a donné suite à l’initiative de Raphaël Comte pour une représentation équitable des genres au Conseil fédéral. L’UDC se sent-elle concernée par cet appel, par exemple avec une candidature de Magdalena Martullo? Il ne faut pas compliquer davantage l’élection du Conseil fédéral. Nous avons besoin des meilleurs. Il y a d’excellentes politiciennes au parlement, tout à fait capables de siéger au Conseil fédéral, y compris à l’UDC. Le problème, c’est que la gauche n’élit pas les candidates que la droite présente. C’est de la volonté dont nous avons besoin, pas de quotas.
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