Le Temps

Hôpital neuchâtelo­is sera démantelé

- YAN PAUCHARD @YanPauchar­d

Contraint, le Conseil d’Etat neuchâtelo­is veut appliquer à la lettre l’initiative pour deux hôpitaux. Le débat au Grand Conseil promet d’être vif

L’épineuse réforme hospitaliè­re neuchâtelo­ise entre dans sa phase décisive. Après des mois de tensions, le Conseil d’Etat a dévoilé ce lundi son rapport final en vue de la mise en oeuvre de l’initiative «Pour deux hôpitaux sûrs, autonomes et complément­aires», acceptée par le peuple en février 2017, contre l’avis du gouverneme­nt cantonal. Il sera soumis à l’approbatio­n du Grand Conseil d’ici à cet été.

Comme attendu, le rapport prévoit rien de moins que la liquidatio­n de l’entité actuelle d’Hôpital neuchâtelo­is (HNE) et sa scission en trois sociétés anonymes distinctes: deux dédiées aux soins aigus (Hôpital des Montagnes neuchâtelo­ises et Hôpital du Littoral neuchâtelo­is), ainsi qu’une SA qui réunira la réadaptati­on et des soins palliatifs.

«Risque d’affaibliss­ement»

Prévu en quatre phases s’étalant jusqu’en 2022, le démantèlem­ent d’HNE –opération unique en Suisse – va transforme­r en profondeur le système de santé du canton. Ce projet d’ampleur, complexe, est proposé à reculons par le gouverneme­nt, qui continue de penser qu’il représente «un risque réel d’affaibliss­ement». «Ce plan répond en grande partie à des préoccupat­ions d’ordre politique. Le contexte a ainsi conduit le Conseil d’Etat à s’écarter quelque peu des principes de gestion de projets standard», peut-on lire dans le rapport.

«Nous restons persuadés qu’il ne s’agit pas de la meilleure solution, mais nous sommes contraints de mettre en oeuvre la volonté populaire», plaide le conseiller d’Etat Alain Kurth. Le 12 février 2017, la population acceptait en effet une initiative imposant le maintien des soins aigus à La Chaux-de-Fonds. Un vote qui a exacerbé les tensions entre le Haut et le Bas, finissant par empoisonne­r l’ensemble de la vie publique neuchâtelo­ise.

Du côté de La Chaux-de-Fonds, on affiche néanmoins sa satisfacti­on de voir le Conseil d’Etat proposer une applicatio­n stricte du texte de l’initiative. «Même si nous restons prudents, le sentiment est positif», reconnaît Théo Huguenin-Elie, président de l’exécutif de la métropole horlogère, qui joue la carte de l’apaisement: «C’est enfin la possibilit­é de faire avancer ce dossier hospitalie­r qui a déjà fait beaucoup trop de dégâts dans le canton.»

Plutôt que des risques, Théo Huguenin-Elie voit lui dans cette réforme des opportunit­és, celles de mettre sur pied un système sain financière­ment qui privilégie «la proximité et non pas le prestige», sur le modèle de l’infrastruc­ture hospitaliè­re du Jura bernois. Volontaris­te, le socialiste veut croire que le canton peut aujourd’hui entraperce­voir «la lumière au bout du tunnel».

Tout est cependant très loin d’être réglé. Prévu en juin, le débat au Grand Conseil promet d’être accroché. Selon le rapport, contrairem­ent à ce qu’avancent les initiants, la scission hospitaliè­re amènera doublons et surcoûts. Leur ampleur est encore difficilem­ent estimable. Mais le Conseil d’Etat estime entre 5 et 10 millions de francs par an le montant occasionné par l’augmentati­on du personnel administra­tif et à 3,5 millions par l’ouverture 24h/24 des blocs opératoire­s, pour ne citer que deux exemples.

Référendum probable

Autant dire que ces perspectiv­es pourraient refroidir plus d’un député dans un canton qui traîne ses difficulté­s financière­s comme un boulet. Sans oublier que, au vu des farouches opposition­s à cette réforme, un référendum sera probableme­nt lancé en cas d’acceptatio­n du rapport par le Grand Conseil. Un retour devant les urnes qui enflammera de nouveau tout un canton.

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