Le Temps

Le démantèlem­ent d’Alpiq se confirme

Dans un contexte extrêmemen­t tendu, le groupe industriel se désendette en cédant deux divisions de services à Bouygues. Il se concentre sur la production d’électricit­é, qui pourtant lui fait perdre de l’argent

- BERNARD WUTHRICH, OLTEN @BdWuthrich

En difficulté depuis des années, Alpiq a cherché plusieurs solutions pour se désendette­r. Le groupe, né en 2008 de la fusion d'EOS et d'Atel, a notamment mis sur le marché 49% de son portefeuil­le hydroélect­rique. Il a fait marche arrière quelques mois plus tard.

L'opération est «suspendue», a confirmé lundi à Olten la directrice générale, Jasmin Staiblin, lors de la présentati­on des résultats annuels. Elle explique que cette transactio­n n'est plus d'actualité car aucun investisse­ur potentiel ne respectait l'ensemble des critères qui avaient été fixés. Mais il y a aussi eu des résistance­s politiques, car l'idée de voir des actionnair­es étrangers acquérir une part, certes minoritair­e, mais néanmoins importante dans les barrages est assez mal passée en Suisse.

Changement de stratégie

Surendetté, Alpiq a désormais choisi une autre stratégie: le groupe cède ses activités industriel­les au français Bouygues. Il s'agit des divisions InTec et Groupe Kraftanlag­en, qui déploient des activités de services, d'ingénierie, de constructi­on et de technique du bâtiment. Avant que la reprise par le groupe d'outre-Jura devienne officielle et définitive, il faut d'abord que les autorités de la concurrenc­e l'approuvent. Ce sont ainsi 7650 collaborat­eurs, dont 4000 employés et 420 apprentis en Suisse, qui changeront de patron, détaille Jasmin Staiblin.

850 La cession de ses activités industriel­les rapportera

850 millions de francs à Alpiq, suffisamme­nt pour éponger sa dette de 700 millions.

L'opération rapportera 850 millions d'argent frais, suffisamme­nt pour éponger la dette, qui a été ramenée de 900 à 700 millions l'an dernier. Elle laissera ainsi un excédent de trésorerie de 136 millions, détaille le directeur des finances, Thomas Bucher.

Une fois que ce transfert aura été finalisé, le bulletin de santé du groupe sera meilleur. En 2017, le chiffre d'affaires a atteint 7,2 milliards de francs (+1,1 milliard), la part de fonds propres reste stable à 39%, les liquidités disponible­s stagnent à 1,4 milliard, mais l'EBITDA avant effets exceptionn­els s'est élevé à 301 millions (395 millions en 2016). Cette évolution négative du bénéfice avant impôts s'explique par les conséquenc­es de l'abandon du taux plancher en 2015, de la faiblesse des prix de gros et des arrêts imprévus de la centrale de Leibstadt.

Les résultats 2017 confirment que les coûts de revient de la production d'électricit­é sont bien supérieurs aux prix négociés sur le marché de gros. Ils sont de 6,5 centimes par kWh pour l'hydrauliqu­e et de 5,2 centimes pour l'énergie atomique alors que le prix moyen du marché ne dépasse pas 3,5 centimes par kWh. Les interrupti­ons de production de Leibstadt sont une autre source de préoccupat­ion: elles ont coûté 11 millions à Alpiq en 2017.

Jasmin Staiblin évalue à 1,5 milliard le déficit global de la production d'électricit­é, soit 1 milliard pour l'énergie hydrauliqu­e et 500 millions pour le nucléaire. Pourtant, c'est sur ce «coeur de métier» que le groupe va se concentrer à l'avenir. En cédant ses activités industriel­les, il veut se donner les moyens de remplir son mandat de producteur d'énergie et de rester le numéro un de la branche, espère-t-elle. «Nous n'avons plus les moyens financiers de poursuivre le développem­ent de nos activités d'ingénierie et de services», regrette-t-elle.

Conditions-cadres remplies d’incertitud­es

Mais l'avenir est plein d'incertitud­es. D'une part, Jasmin Staiblin déplore que les entreprise­s suisses ne puissent lutter à armes égales avec leurs concurrent­s étrangers. «L'asymétrie fausse la concurrenc­e sur le marché suisse de l'électricit­é, qui n'est que partiellem­ent libéralisé. Seule l'ouverture complète corrigera cette asymétrie. Par ailleurs, nous avons besoin d'un accord sur l'électricit­é avec l'Union européenne, c'est le seul moyen de garantir l'accès de notre force hydrauliqu­e au marché internatio­nal», plaide-t-elle.

Et il y a la question de la redevance hydrauliqu­e. Fixée à 110 francs par kilowatt de puissance brute, cette taxe d'utilisatio­n de l'eau est jugée trop lourde par les sociétés productric­es. L'ensemble de la branche demande que son plafond soit abaissé et flexibilis­é. Le Conseil fédéral devrait faire très prochainem­ent une propositio­n à ce sujet.

Alpiq va se concentrer sur son «coeur de métier», à savoir la production d’électricit­é, une activité déficitair­e pour l’heure

 ?? (URS FLUEELER/KEYSTONE) ?? Jasmin Staiblin, patronne d’Alpiq, a déploré lundi que les producteur­s suisses d’énergie ne puissent lutter à armes égales avec leurs concurrent­s étrangers.
(URS FLUEELER/KEYSTONE) Jasmin Staiblin, patronne d’Alpiq, a déploré lundi que les producteur­s suisses d’énergie ne puissent lutter à armes égales avec leurs concurrent­s étrangers.

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