Le Nigeria attire les entreprises suisses
Le conseiller fédéral Johann Schneider-Ammann vient d’achever une mission économique forte d’une quarantaine d’entreprises dans la première économie africaine. La classe moyenne nigériane fait saliver les investisseurs
La semaine passée, Aliko Dangote n’a pas lésiné sur les moyens pour célébrer le mariage de Fatima, sa fille aînée, avec Jamil Mohammed, pilote et amateur de belles voitures et de montres. Le dîner de noces a réuni des chefs d’Etat, des hommes d’affaires ainsi qu’une palette des stars de Nollywood, la très populaire industrie de cinéma au Nigeria, la troisième du monde, derrière Bollywood et Hollywood. Invité d’honneur: Bill Gates, le fondateur de Microsoft, ami d’Aliko Dangote, l’homme le plus riche d’Afrique, qui a fait fortune dans le ciment.
La veille de ce mariage, des dizaines d’ouvriers installaient d’énormes photos du nouveau couple, imprimées sur des plaques de plexiglas, des grands bouquets de fleurs et autres dorures extravagantes jusqu’à tard dans la nuit. Le temps de la fête, Eko Hotel & Suites, surplombant le golfe de Guinée et construit à l’abri de l’étourdissante agitation de Lagos, capitale économique du pays, était devenu le symbole de la richesse extravagante de la première économie africaine.
Le pays renoue avec la croissance
«Ce n’est pas une situation anodine, explique un invité suisse au mariage. Elle confirme l’existence d’une poignée de Nigérians ultrariches, pour la plupart actifs dans le pétrole.» Le Nigeria n’est-il pas le deuxième pays qui commande le plus de jets privés auprès de Dassault ou d’Embraer? Cette opulence montre aussi qu’après la récession de 2016, le pays renoue avec la croissance, 0,8% en 2017. Premier producteur de pétrole en Afrique, le Nigeria avait sombré dans la récession en 2016 à cause de la dégringolade des prix pétroliers. Désormais, les cours remontent. Pour 20162050, l’Etat s’attend à une croissance moyenne de 4,2% par an.
Une classe moyenne émerge au fur et à mesure que l’économie se relève. Estimée à 50 millions de consommateurs sur une population de 190 millions d’habitants, elle fait saliver les investisseurs locaux et étrangers. Essentiellement agricole, le pays manque de tout: transports, industries, énergie, télécommunications, services financiers.
C’est dans ce contexte que le conseiller fédéral chargé de l’Economie Johann Schneider-Amman vient de conclure une mission économique qui l’a conduit à Abuja, la capitale du Nigeria, puis à Lagos. «La taille de cette délégation, une quarantaine d’entreprises, montre l’intérêt que nous portons au Nigeria», explique le chef de l’économie suisse.
«Une cinquantaine de sociétés suisses sont déjà basées au Nigeria et la plupart d’entre elles sont restées dans le pays même pendant la récession, relève Heinz Karrer, président d’economiesuisse. Le Nigeria est 23 fois plus important que la Suisse, en taille, en population et consommateurs.» Selon lui, les entreprises suisses sont bien placées pour saisir les opportunités: «Nous sommes reconnus pour notre qualité et nos partenaires savent qu’ils peuvent compter sur nous.»
Une déclaration conjointe a été signée entre le Nigeria et l’Association économique de libre-échange (AELE), dont la Suisse est membre, en décembre 2017. C’est un premier pas vers un accord bilatéral de libreéchange. Pour Heinz Karrer, il est temps d’instituer une commission mixte Suisse-Nigeria pour établir un dialogue constant et négocier un accord de non double imposition.
«La Suisse et le Nigeria ne sont pas en concurrence»
Novartis, Roche, Nestlé, Bühler sont les entreprises suisses qui sont présentes au Nigeria de longue date. Désormais, c’est une autre catégorie d’investisseurs qui s’y intéressent aussi: assurances, fintechs, numérisation et édition. Par exemple, Ringier Africa, membre du groupe Ringier, copropriétaire du Temps, présent à Lagos depuis 2011, publie Pulse.ng. Ce journal populaire en ligne est consulté 100 millions de fois par mois. Au total, 250 journalistes produisent des informations et des vidéos et alimentent les réseaux sociaux.
Le mot de la fin revient à Tola Onayemi, membre de l’équipe des négociateurs commerciaux nigérians: «Nous nous attaquons aux problèmes de la corruption, de la bureaucratie et de la sécurité. La Suisse et le Nigeria peuvent travailler ensemble parce qu’ils ne sont pas en compétition. Et nous avons tant à apprendre, notamment pour augmenter notre compétitivité.»
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Après la récession de 2016, le Nigeria a renoué avec la croissance. Premier producteur de pétrole en Afrique, le pays doit tout de même importer du pétrole raffiné pour la consommation locale.
Pour 2016-2050, l’Etat nigérian s’attend à une croissance moyenne de 4,2% par an