Face aux tâtonnements d’Alpiq, l’urgence d’une décision politique
La vérité économique est impitoyable: la production d’électricité en Suisse n’est pas rentable. Les chiffres communiqués par Alpiq lundi le confirment: l’ouvrage d’un kilowattheure coûte 6,5 centimes dans une centrale nucléaire et 5,2 centimes dans une usine hydraulique, alors que le prix de vente sur le marché de gros n’excède pas 3,5 centimes. Face à cette réalité, les grands producteurs suisses apportent des réponses variées.
Axpo a décidé de faire redémarrer le premier réacteur de Beznau, qui était resté à l’arrêt pendant trois ans. C’est une manière d’atténuer les effets négatifs du marché, dans la mesure où l’exploitation du seul réacteur II n’est pas la solution la plus rationnelle. BKW a décidé de fermer Mühleberg fin 2019 et transforme son modèle économique. Celui-ci combine désormais le développement des énergies renouvelables, les services, la technique du bâtiment et l’ingénierie. Le groupe bernois paraît bien positionné sur le marché.
Paradoxalement, un autre grand acteur, Alpiq, prend le chemin inverse pour garder la tête hors de l’eau. Il abandonne les services et l’ingénierie, dont la vente lui permet d’éponger sa dette actuelle. Alpiq a bien tenté de s’en sortir par d’autres moyens, plus radicaux, comme la cession d’une participation minoritaire de 49% dans ses centrales hydroélectriques. Cela n’a pas donné le résultat escompté. Comme le groupe n’est qu’actionnaire minoritaire de deux centrales, il ne peut pas décider seul d’abandonner le nucléaire. Né d’une fusion complexe, il se trouve dans une situation plus difficile que BKW. Il renonce à se diversifier et mise sur son «coeur de métier»: la production d’électricité. Tout comme sa patronne, Jasmin Staiblin, qui a fait savoir lundi qu’elle ne siégerait pas au conseil d’administration de Zurich Assurance.
Mais tout cela se déroule dans un contexte rempli d’incertitudes. Certes, la Stratégie énergétique 2050 indique la direction à suivre: le remplacement progressif du nucléaire par des agents renouvelables. Elle donne aussi aux producteurs suisses un coup de pouce d’un centime par kilowattheure non couvert. Mais d’autres décisions politiques devront être prises pour qu’ils puissent espérer retrouver une certaine stabilité.
Il faudra réduire l’impact de la redevance hydraulique, dont le dernier relèvement à 110 francs par kilowatt paraît, a posteriori, excessif. Cela exigera de batailler ferme contre les cantons alpins, qui encaissent les recettes de ce droit d’eau. Il sera également nécessaire de confronter les avantages et les inconvénients de la libéralisation complète du marché de l’électricité. Si les producteurs comptent atteindre cet objectif, ils devront prouver aux consommateurs qu’ils trouveront leur compte dans le libre choix de leur fournisseur. Cela n’ira pas de soi, comme le rappelle l’échec du précédent projet de libéralisation, en 2002.
Rétablir des conditions-cadres pour retrouver la stabilité