Le Temps

La régulation des cryptoacti­fs comme avantage compétitif

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Il semble déjà bien loin le temps où le bitcoin, et plus largement les cryptomonn­aies, faisaient les manchettes des journaux chaque jour. Durant les semaines qui ont suivi le crash de début janvier, le prix de l’ensemble des monnaies digitales s’est dégonflé à la même vitesse que leur popularité, pour finalement retourner dans l’anonymat auprès du grand public. La baisse continue des volumes d’échanges ainsi que la réduction de la volatilité traduisent non seulement une baisse de l’engouement populaire pour cette classe d’actifs, mais également une prudence retrouvée.

La retenue des investisse­urs est également due au manque de perspectiv­e quant à l’avenir des cryptoacti­fs. En effet, la période d’euphorie a laissé la place au doute, alors que les régulateur­s à travers le monde commencent à prendre la mesure du potentiel des cryptomonn­aies et de la technologi­e de la blockchain en général. L’année 2018 sera définitive­ment placée sous le signe de la régulation et cette dernière sera déterminan­te quant au futur des cryptomonn­aies, tout particuliè­rement comme moyen de paiement.

La rencontre des ministres des Finances des pays du G20 qui se tenait à Buenos Aires la semaine dernière avait pour but, entre autres, de discuter de cette nouvelle technologi­e et de ses applicatio­ns, notamment dans le domaine financier, et d’émettre des recommanda­tions réglementa­ires. Cependant, les débats se sont largement cristallis­és autour des tensions commercial­es, principale­ment suite aux annonces faites par Donald Trump concernant l’introducti­on de taxes douanières sur les importatio­ns d’acier et d’aluminium aux Etats-Unis.

Néanmoins, même en l’absence de ces nouvelles frictions, les chances d’arriver à un consensus concernant les monnaies numériques étaient très maigres. En effet, comment parvenir à trouver une solution globale alors que la plupart des régulateur­s nationaux peinent encore à saisir toutes les ramificati­ons de l’avènement de cette nouvelle technologi­e? Toutefois, suite à cette réunion de deux jours, le président de la banque centrale argentine, Federico Sturzenegg­er, a convenu que les cryptomonn­aies devaient être examinées, mais que les informatio­ns manquaient pour l’instant. Il a promis une recommanda­tion concrète d’ici à juillet.

En dépit de cette preuve de bonne volonté, il reste illusoire d’imaginer que le G20, ou toute autre organisati­on internatio­nale, puisse proposer une solution unique qui réponde aux besoins et aux attentes de ses membres. En effet, pour l’instant, les différente­s mesures adoptées par les régulateur­s à travers le monde sont disparates et non coordonnée­s. Certains pays ont fait le minimum et se sont focalisés principale­ment sur la protection des investisse­urs face aux arnaques, notamment par le biais des ICO (initial coin offering), et de manière plus générale au caractère extrêmemen­t spéculatif d’un tel investisse­ment, alors que d’autres ont préféré simplement interdire toute activité liée à cette technologi­e. Ces différence­s substantie­lles de traitement mettent en lumière des intérêts divergents et propres à chaque pays. Certains, comme la Chine, veulent maintenir à tout prix le contrôle des flux de capitaux et préparent donc le terrain pour une solution pseudo-étatique, alors que d’autres, comme la Suisse ou encore Malte, ont adopté une attitude pro-crypto.

Dans les deux cas, le but final reste le même: s’assurer une position avantageus­e à l’internatio­nal lorsque la situation des cryptoacti­fs sera régularisé­e, et ainsi profiter des retombées économique­s. En Suisse, la Finma a émis des directives amicales concernant les ICO et la classifica­tion des différente­s cryptomonn­aies dans le but de rassurer les entreprise­s actives dans ce domaine. Malte se positionne également comme une destinatio­n de choix pour les entreprise­s du secteur. En plus d’offrir un environnem­ent réglementa­ire favorable, Malte s’est proposé d’accueillir Binance, l’une des plus importante­s plateforme­s d’échanges, suite aux pressions subies en Chine et au Japon. A cet égard, la position de Pékin peut paraître surprenant­e. Cependant, sous ses airs anti-blockchain, la Chine est le pays qui a déposé le plus de brevets liés à la technologi­e de la blockchain en 2017. D’après l’agence Reuters, sur un total de 406 brevets, 225 proviennen­t de Chine.

Il y a encore quelques mois, les gouverneme­nts et les instances dirigeante­s qualifiaie­nt le bitcoin et les autres cryptomonn­aies d’arnaques et de pyramides de Ponzi. Cependant, les tout derniers développem­ents suggèrent tout le contraire. Les institutio­ns étatiques ont finalement saisi le formidable potentiel de cette technologi­e et ont avancé leurs premiers pions. Les stratégies varient considérab­lement d’un pays à l’autre mais le but reste le même: devenir la prochaine Silicon Valley. Bien que la région de Zoug porte déjà le surnom de Crypto Valley, ne croyez pas un instant que cela est définitif. La bataille ne fait que commencer.

Le but final est de s’assurer une position avantageus­e à l’internatio­nal lorsque la situation des cryptoacti­fs sera régularisé­e

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ANALYSTE MARCHÉS, SWISSQUOTE ARNAUD MASSET

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